Page:Le Rouge et le Noir.djvu/288

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XXXVIII

Quelle est la Décoration qui distingue.

Ton eau ne me rafraîchit pas, dit le génie altéré. — C’est pourtant le puits le plus frais de tout le Diar-Békir.
Pellico.

Un jour Julien revenait de la charmante terre de Villequier, sur les bords de la Seine, que M. de La Mole voyait avec intérêt parce que, de toutes les siennes, c’était la seule qui eût appartenu au célèbre Boniface de La Mole. Il trouva à l’hôtel la marquise et sa fille, qui arrivaient d’Hyères.

Julien était un dandy maintenant, et comprenait l’art de vivre à Paris. Il fut d’une froideur parfaite, envers mademoiselle de La Mole. Il parut n’avoir gardé aucun souvenir des temps où elle lui demandait si gaiement des détails sur sa manière de tomber de cheval.

Mademoiselle de La Mole le trouva grandi et pâli. Sa taille, sa tournure n’avaient plus rien du provincial ; il n’en était pas ainsi de sa conversation ; on y remarquait encore trop de sérieux, trop de positif. Malgré ces qualités raisonnables, grâce à son orgueil, elle n’avait rien de subalterne ; on sentait seulement qu’il regardait encore trop de choses comme importantes. Mais on voyait qu’il était homme à soutenir son dire.

— Il manque de légèreté, mais non pas d’esprit, dit mademoiselle de La Mole à son père, en plaisantant avec lui sur la croix qu’il avait donnée à Julien. Mon frère vous l’a demandée pendant dix-huit mois, et c’est un La Mole !…

— Oui ; mais Julien a de l’imprévu, c’est ce qui n’est jamais arrivé au La Mole dont vous me parlez.

On annonça M. le duc de Retz.

Mathilde se sentit saisie d’un bâillement irrésistible, elle reconnaissait les antiques dorures et les anciens habitués du salon paternel. Elle se faisait une image parfaitement ennuyeuse de