route de Genève ; si l’on a des soupçons, pensa Julien, c’est sur la route de Paris qu’on me cherchera.
XXXI
Les Plaisirs de la Campagne.
« Monsieur vient sans doute attendre la malle-poste de Paris ? lui dit le maître d’une auberge où il s’arrêta pour déjeuner.
— Celle d’aujourd’hui ou celle de demain, peu m’importe, dit Julien.
La malle-poste arriva comme il faisait l’indifférent. Il y avait deux places libres.
— Quoi ! c’est toi, mon pauvre Falcoz, dit le voyageur qui arrivait du côté de Genève, à celui qui montait en voiture en même temps que Julien.
— Je te croyais établi aux environs de Lyon, dit Falcoz, dans une délicieuse vallée près du Rhône.
— Joliment établi. Je fuis.
— Comment ! tu fuis ? toi, Saint-Giraud ! avec cette mine sage, tu as commis quelque crime ! dit Falcoz en riant.
— Ma foi, autant vaudrait. Je fuis l’abominable vie que l’on mène en province. J’aime la fraîcheur des bois et la tranquillité champêtre, comme tu sais ; tu m’as souvent accusé d’être romanesque. Je ne voulais de la vie entendre parler politique, et la politique me chasse.
— Mais de quel parti es-tu ?
— D’aucun, et c’est ce qui me perd. Voici toute ma politique : j’aime la musique, la peinture ; un bon livre est un événement pour moi ; je vais avoir quarante-quatre ans. Que me reste-t-il à vivre ? Quinze, vingt, trente ans tout au plus ? Eh bien, je tiens que dans trente ans, les ministres seront un peu plus adroits, mais tout aussi honnêtes gens que ceux d’aujourd’hui. L’histoire d’Angleterre me sert de miroir pour notre