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trouva attachée avec une épingle, la lettre suivante écrite à la hâte, baignée de larmes et sans la moindre orthographe. Ordinairement madame de Rênal la mettait fort bien, il fut touché de ce détail et oublia un peu l’imprudence effroyable.

« Tu n’as pas voulu me recevoir cette nuit ? Il est des moments où je crois n’avoir jamais lu jusqu’au fond de ton âme. Tes regards m’effrayent. J’ai peur de toi. Grand Dieu ! ne m’aurais-tu jamais aimée ? En ce cas, que mon mari découvre nos amours et qu’il m’enferme dans une éternelle prison, à la campagne, loin de mes enfants. Peut-être Dieu le veut ainsi. Je mourrai bientôt. Mais tu seras un monstre.

» Ne m’aimes-tu pas, es-tu las de mes folies, de mes remords, impie ? Veux-tu me perdre ? je t’en donne un moyen facile. Va, montre cette lettre dans tout Verrières, ou plutôt montre là au seul M. Valenod. Dis-lui que je t’aime, mais non ne prononce pas un tel blasphème ; dis-lui que je t’adore, que la vie n’a commencé pour moi, que le jour où je t’ai vu ; que dans les moments les plus fous de ma jeunesse, je n’avais jamais même rêvé le bonheur que je te dois ; que je t’ai sacrifié ma vie, que je te sacrifie mon âme. Tu sais que je te sacrifie bien plus.

» Mais se connaît-il en sacrifices cet homme ? Dis-lui, dis-lui pour l’irriter, que je brave tous les méchants, et qu’il n’est plus au monde qu’un malheur pour moi, celui de voir changer le seul homme qui me retienne à la vie. Quel bonheur pour moi de la perdre, de l’offrir en sacrifice, et de ne plus craindre pour mes enfants !

» N’en doute pas, cher ami, s’il y a une lettre anonyme, elle vient de cet être odieux qui pendant six ans m’a poursuivie de sa grosse voix, du récit de ses sauts à cheval, de sa fatuité, et de l’énumération éternelle de tous ses avantages.

» Y a-t-il une lettre anonyme ? méchant, voilà ce que je voulais discuter avec toi ; mais non, tu as bien fait. Te serrant dans mes bras, peut-être pour la dernière fois, jamais je n’aurais pu discuter froidement, comme je fais étant seule. De ce moment notre bonheur ne sera plus aussi facile. Sera-ce une contrariété pour vous ? Oui, les jours où vous n’aurez pas reçu