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surpris qu’un esprit tel que celui de M. Legrand n’ait pu le soulever. Les traits lancés par le poète contre la cour et les courtisans n’auroient pas dû échapper à l’écrivain qui venoit d’analyser le Roman du Renart.

Nous avouons au reste que si l’esprit général de la pièce nous a paru facile à saisir, il n’en est pas de même des allusions personnelles qu’elle renferme. On pense que Rutebeuf a pu écrire de 1250 à 1300, c’est-à-dire sous Saint-Louis, Philippe-le-Hardi et Philippe-le-Bel : à laquelle de ces trois cours la satire s’applique-t-elle ? c’est ce qu’il n’est pas facile de déterminer. Cependant ces vers, où le poète dit de Renart :

Il est sire…
Et de la Brie et du vignoble.
Renars fit en Costantinoble
Bien se aviaus,


ne peuvent guère s’appliquer qu’à Thibaud, roi de Navarre et comte de Champagne et de Brie, qui partit pour la croisade en 1238, à la tête de plusieurs seigneurs françois. Il ne seroit donc pas impossible de reconnoître les autres personnages que Rutebeuf désigne par des noms empruntés au Roman du Renart ; mais une simple lecture suffira, sans qu’il soit nécessaire de se livrer à cet examen, pour démontrer que ce petit poëme est loin d’être un vrai coq-à-l’âne. Quant au mot Bestourné, que M. Legrand n’a pas voulu comprendre non plus, il signifie doublement changé, métamorphosé.