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QUELQUES CARICATURISTES FRANÇAIS.

sur celle de l’Apollon, et je crois qu’on est parvenu à ramener l’une des deux à la ressemblance d’un crapaud. Cela ne prouvait absolument rien. Le symbole avait été trouvé par une analogie complaisante. Le symbole dès lors suffisait. Avec cette espèce d’argot plastique, on était le maître de dire et de faire comprendre au peuple tout ce qu’on voulait. Ce fut donc autour de cette poire tyrannique et maudite que se rassembla la grande bande des hurleurs patriotes. Le fait est qu’on y mettait un acharnement et un ensemble merveilleux, et, avec quelque opiniâtreté que ripostât la justice, c’est aujourd’hui un sujet d’énorme étonnement, quand on feuillète ces bouffonnes archives, qu’une guerre si furieuse ait pu se continuer pendant des années.

Tout à l’heure, je crois, j’ai dit : bouffonnerie sanglante. En effet, ces dessins sont souvent pleins de sang et de fureur. Massacres, emprisonnements, arrestations, perquisitions, procès, assommades de la police, tous ces épisodes des premiers temps du gouvernement de 1830 reparaissent à chaque instant ; qu’on en juge :

La Liberté, jeune et belle, assoupie dans un dangereux sommeil, coiffée de son bonnet phrygien, ne pense guère au danger qui la menace. Un homme s’avance vers elle avec précaution, plein d’un mauvais dessein. Il a l’encolure épaisse des hommes de la halle ou des gros propriétaires. Sa tête pyriforme est surmontée d’un toupet très-proéminent et flanquée de larges favoris. Le monstre est vu de dos, et le plaisir de deviner son nom n’ajoutait pas peu de prix à l’estampe. Il s’avance vers la jeune personne. Il s’apprête à la violer.

Avez-vous fait vos prières ce soir, Madame ? — C’est Othello-Philippe qui étouffe l’innocente Liberté malgré ses cris et sa résistance.

Le long d’une maison plus que suspecte passe une toute jeune fille, coiffée de son petit bonnet phrygien ; elle le porte avec l’innocente coquetterie d’une grisette démocrate. MM. un tel et un tel (visages connus, — des ministres à coup sûr des plus honorables) font ici un singulier métier. Ils circonviennent la pauvre enfant, lui disent à l’oreille des câlineries ou des saletés, et la poussent doucement vers l’étroit corridor. Derrière une porte, l’Homme se devine. Son profil est perdu, mais c’est bien lui ! Voilà le toupet et les favoris. Il attend, il est impatient !

Voici la Liberté traînée devant une cour prévôtale bu tout autre tri*