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LE PRÉSENT.

une câlinerie adressée à la caste préférée. Il n’y a de beau, de bon, de noble, d’aimable, de spirituel, que le soldat. Les quelques milliards d’animalcules qui broutent cette planète n’ont été créés par Dieu, et doués d’organes et de sens, que pour contempler le soldat et les dessins de Charlet dans toute leur gloire. Cbarlet affirme que le tourlourou et le grenadier sont la cause finale de la création. À coup sûr, ce ne sont pas là des caricatures, mais des dithyrambes et des panégyriques, tant cet homme prenait singulièrement son métier à rebours. Les grossières naïvetés que Charlet prête à ses conscrits sont tournées avec une certaine gentillesse qui leur fait honneur et les rend intéressants. Cela sent les vaudevilles où les paysans font les pat-à-qu’est-ce les plus touchants et les plus spirituels. Ce sont des cœurs d’ange avec l’esprit d’une académie, sauf les liaisons. Montrer le paysan tel qu’il est, c’est une fantaisie inutile de Balzac ; peindre rigoureusement les abominations du cœur de l’homme, cela est bon pour Hogarth, esprit taquin et hypocondriaque ; montrer au naturel les vices du soldat, ah ! quelle cruauté ! cela pourrait le décourager. C’est ainsi que le célèbre Charlet eiftend la caricature.

Quant au calotin, c’est le même sentiment qui dirige notre partial artiste. Il ne s’agit pas de peindre, de dessiner d’une manière originale les laideurs morales de la sacristie ; il faut plaire au soldat laboureur : le soldat laboureur mangeait du jésuite. Dans les arts, il ne s’agit que de plaire, comme disent les bourgeois.

Goya, lui aussi, s’est attaqué à la gent monastique. Je présume qu’il n’aimait pas les moines, car il les a faits bien laids ; mais qu’ils sont beaux dans leur laideur et triomphants dans leur crasse et leur crapule monacales ! Ici l’art domine, l’art purificateur comme le feu ; là la servilité qui corrompt l’art. Comparez maintenant l’artiste avec le courtisan : ici de superbes dessins, là un prêche voltairien.

On a beaucoup parlé des gamins de Charlet, ces chers petits anges qui feront de si jolis soldats, qui aiment tant les vieux militaires, et qui jouent à la guerre avec des sabres de bois. Toujours ronds et frais comme des pommes d’api, le cœur sur la main, l’œil clair et souriant à la nature. Mais les enfants terribles, mais le pâle voyou du grand poëte, à la voix rauque, au teint jaune comme un vieux sou, Charlet a le cœur trop pur pour voir ces choses-là.

Il avait quelquefois, il faut l’avouer, de bonnes intentions : — Dans