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LE PRÉSENT.

tures de modes sont superbes. Chacun se rappelle cette grande planche qui représente une maison de jeu. Autour d’une vaste table ovale sont réunis des joueurs de différents caractères et de différents âges. Il n’y manque pas les filles indispensables, avides et épiant les chances, courtisanes étemelles des joueurs en veine. Il y a là des joies et des désespoirs violents ; de jeunes joueurs fougueux et brûlant la chance ; des joueurs froids, sérieux et tenaces ; des vieillards qui ont perdu leurs rares cheveux au vent furieux des anejens équinoxes. Sans doute, cette composition, comme tout ce qui sort de Carie Vernet et de l’école, manque de liberté, mais, en revanche, elle a beaucoup de sérieux, une dureté qui plaît, une sécheresse de manière qui convient assez bien au sujet, le jeu étant une passion à la fois violente et contenue.

Un de ceux qui plus tard marquèrent le plus fut Pigal. Les premières œuvres de Pigal remontent assez haut, et Carie Vernet vécut très-longtemps. Mais l’on peut dire souvent que deux contemporains représentent deux époques distinctes, fussent-ils même assez rapprochés par l’âge. Cet amusant et doux caricaturiste n’envoie-t-il pas encore à nos expositions annuelles de petits tableaux d’un comique innocent que M. Biard doit trouver bien faible ? C’est le caractère et non Page qui décide, Ainsi Pigal est-il tout autre chose que Carie Vernet. Sa manière sert de transition entre la caricature telle que la concevait celui-ci et la caricature plus moderne de Charlet, par exemple, dont j’aurai à parler tout à l’heure. Charlet, qui est de la même époque que Pigal, est l’objet d’une observation analogue : le mot moderne s’applique à la manière et non au temps. Les scènes populaires de Pigal saut bonnes. Ce n’est pas que l’originalité en soit très-vive, ni même Je dessin très-comique. Pigal est un comique modéré, mais le sentiment de les compositions est bon et juste. Ce sont des vérités vulgaires, mais des vérités. La plupart de ses tableaux ont été pris sur nature. H s’est servi d’un procédé simple et modeste : il a regardé, il a écouté, puis il a raconté-Généralement il y a une grande bonhomie et une certaine innocenté dans toutes ses compositions : presque toujours des hommes du peuple, des dictons populaires, des ivrognes, des scènes de ménage, et particulièrement une prédilection involontaire pour les types vieux. Aussi, ressemblant en cela à beaucoup d’autres caricaturistes, Pigal ne sait pas trop bien exprimer la jeunesse ; il arrive souvent que ses jeunes gens ont l’air grimé. Le dessin, généralement facile, est plus riche et