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LE CATHOLICISME ET M. VEUILLOT.

siècles de la Rome, catholique, pour Léon X, l’ami de Raphaël, le courtisan des poëtes, pour l’aimable cardinal Bembo, pour ce rude soldat qui fut Jules II, et qui honorait d’une si dure amitié et d’une si tyrannique protection le génie de Michel-Ange. L’esprit du catholicisme est tout opposé à cette étroitesse d’idées et à cette barbarie nouvelle dans laquelle on voudrait nous emprisonner. Le catholicisme a fait la renaissance ; c’est lui qui a pris sur ses genoux le seizième siècle, et qui lui a enseigné toutes les grâces renaissantes de l’antiquité païenne, qui a mis sur ses lèvres la douceur de Virgile et la force d’Homère, qui a dit à ses oreilles : Epephta, ouvrez-vous, et qui les a remplies des musiques les plus suaves de Rome et de la Grèce.

Je vois d’ici M. Veuillot froncer le sourcil. Ce Huron, qui sait lire et écrire à peu près, n’a pas seulement mis en coupe réglée toutes les gloires modernes et les illustrations contemporaines ; il s’est aperçu un beau jour qu’il lui restait quelque chose à faire, que la forêt des lauriers antiques était toujours debout. Il mit sa hache sur son épaule, partît et en un tour de main abattit tout.

Voici comment la chose se passa :

M. Veuillot est amoureux, comme un véritable littérateur, de thèses singulières, hardies, propres à attirer et au besoin à scandaliser l’attention. Il est le saint Vincent de Paul des idées moribondes et jetées à terre, il est le don Quichotte de toutes les extravagances ; il s’en va par les routes, et si par hasard il rencontre quelque paradoxe débile, agonisant, il l’emporte dans le pli de son manteau, le lave, l’habille et essaie de le faire vivre. C’est d’une bonne âme.

Un jour, un excellent prêtre, un homme d’esprit un peu enclin à ces témérités d’idées que l’ori combat d’un sourire, eut un cauchemar. Il s’imagina que si, depuis soixante ans, la révolution fait fureur, que si l’on s’est battu en juillet et en juin, que si certains hommes laissent pousser leur barbe et disent : Nous sommes socialistes ; que si le monde plie sous le poids d’idées nouvelles, cela tient à ce que dans les collèges on commente sans cesse les idées anciennes, à ce qu’on traduit Virgile, Horace, Homère et Platon. Il lui semblait voir un ver rongeur, c’était l’antiquité, s’attaquer au cœur de la société moderne, boire son sang et lui infiltrer le sien par compensation. Pour sauver la société, il fallait tuerie ver, c’était clair ; le digne prêtre fit un gros livre, un peu passionné, et il fut délivré de son cauchemar.