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LE PRÉSENT.

frayés cherchaient dans le ciel les signes précurseurs et croyaient la fin du monde venue ? Est-ce le douzième siècle, où les communes menèrent une si grande guerre contre leurs chers seigneurs ! Est-ce le quatorzième, où Philippe le Bel envoya un de ses valets souffleter un pape ? J’entends, c’est le treizième, le siècle de saint Louis. Hélas ! monsieur Veuillot, que vous savez peu ce que vous regrettez ! Ignorez-vous donc que, sous le saint roi, on perçait la langue aux blasphémateurs et aux sottisiers avec un fer chaud ?

Allons au fond des choses. M. Veuillot nie le progrès. Il pense comme M. Donoso Cortès, une âme loyale et sympathique celle-là, que le temps, loin d’apporter à l’humanité l’amélioration, soit physique, soit morale, la mine au contraire de besoins et de vices nouveaux, comme à la longue fait un fleuve des sables de ses bords. Comme Donoso Cortès, M. Veuillot attend le règne de l’Ante-Christ. Les passions méchantes prévaudront, pense-t-il, sur les bonnes, les vices et les crimes front montant sans cesse comme une marée grandissant d’une crue irrésistible, et c’est sur une terre inondée des flots noirs du màl que le Fils de l’homme descendra dans toute sa puissance et dans toute sa majesté. Théologiquement) cette opinion de M. Donoso Cortès et de M. Veuillot ne repose sur aucune autorité ; si elle tombe dans une âme affectueuse et douce comme celle de l’ancien ambassadeur d’Espagne, elle l’attriste et la ronge sourdement ; si elle entre dans une âme violente, elle la trouble, la durcit encore et la porte aux dernières extrémités de la rigueur et de la déraison. Nous ne voyons point que l’Église pense ainsi. Elle suit son troupeau avec la même sollicitude, les mêmes pardons et les mêmes espérances sur chaque point du temps ; elle bénit les moissons comme au Moyen-Âge ; mieux encore, elle bénit les chemins de fer, et pour des fautes vieilles comme le monde, et qui sans doute ne finiront qu’avec lui, elle a toujours les mêmes indulgences. Pourquoi être plus sévère qu’elle ? M. Veuillot rêve le monde comme un cloître, et c’est ce qui lui fait regretter le Moyen-Age, qu’il se figure tel. Notre siècle avec ses usines, ses industries, son commerce, le trouble et l’irrite. De force ou de gré, il voudrait enfermer son acfivîté, sa tête pensante et ses bras robustes sous le froc et te capuchon du moine, le seul être qui soit, suivant lui, selon le cœur de Dieu ;

Pas de littérature, surtout pas de théâtres ; M. Veuillot a la littérâtare et les théâtres en horreur. À un pays bien organisé, l’Univers devrait