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LE CATHOLICISME ET M. VEUILLOT.

rait l’édifice impérial ? Si nous vivons assez pour voir ce jour-là, que fera-t-il ? Reprendra-t-il son ancien thème et associera-t-il dans des strophes fraternelles le pouvoir et la liberté ? Ceci vaut la peine qu’il y réfléchisse dès à présent. Quant à moi, je retiens une stalle pour le jour où M. Veuillot posera sur son affiche ce curieux spectacle. Il n’aura même pas l’excuse du mot sacramentel : Par ordre. Son double passé, ses oui et ses non se donneront rendez-vous dans ses colonnes et y joueront la scène de Gros-René et de Marinette ; on rira bien.

Au grand dépit de M. Veuillot, M. Veuillot ne veut pas qu’on rie. Outre son double système de gouvernement, monté sur roulettes, et qu’il produit tour à tour suivant l’occurrence, il a un idéal de société qui n’est pas gai, et qui ne lui a pas coûté d’ailleurs grand’peine à trouver. C’est tout simplement le squelette du Moyen-Âge qu’il a déterré.

M. Veuillot s’indigne que le temps marche, que le soleil se lève et se couche, et fasse à heure fixe un soir et un matin nouveau. Nous sommes au dix-neuvième siècle. À quoi bon un dix-neuvième siècle ? Pourquoi ne pas s’en être tenu au treizième ou au quatorzième ? M. Veuillot se forge, à propos de ce bienheureux Moyen-Âge, des félicités qui le font pleurer de tendresse. Il voit partout les fidèles encombrant les églises, les dames de haut parage et de haut renom, traînant sur les dalles saintes ces vastes robes de velours qui ont un page à leur service ; les barons courbant leur casque d’or, les serfs baissant leur tête nue, les prêtres étendant les mains, et les châteaux sur la colline, et les chaumières dans le vallon, et les haquenées dans les plaines ; la paix et la prière se donnant la main, et le seigneur, avec sa grande lance, se faisant un vrai plaisir de protéger son vassal, qui, de son côté, se plaît à lui payer la dîme, à faire sa corvée, etc., etc. Tout cela est fort pittoresque sans doute, et ferait fort bien dans un tableau de Gustave Doré ; mais nous ne faisons point de la fantaisie, nous faisons de l’histoire.

Ai-je donc à excuser le temps et le soleil qui ont marché ? Que signifient ces glorifications d’une époque bien passée et qui ne peut plus revenir ? Que M. Veuillott veuille bien me dire où sont les neiges d’autan, et je lui rendrai son cher Moyen-Âge. Si, toutefois, il veut bien me marquer une époque fixe, car, hélas ! alors comme aujourd’hui, les jours se succédaient sans se ressembler. Que veut-il ? Est-ce l’an mil où telle fut la misère et si grande la désolation, que les peuples ef-