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LE CATHOLICISME ET M. VEUILLOT.

de l’Autriche et de la Russie ; bravo, Paskiewitch ! M. Veuillot applaudit encore et toujours. Il a des couronnes pour toutes les victoires, des vivat pour tous les canons qui ont eu le dernier mot, des fleurs de rhétorique à semer sous les pas de tous les chevaux qui ont gagné la bataille.

Je n’ai point à me prononcer ici dans ce grand duel de la liberté et de l’autorité. M. Veuillot avait-il raison hier, tort aujourd’hui ? raison aujourd’hui, tort hier ? Peu importe. Le monde n’a cure des variations de M. Louis, de ses volte-face, de ses changements de front, de ses courbettes à droite, de ses courbettes à gauche. Il peut manœuvrer comme il lui plaira dans le vaste champ de voltige qu’il remplit depuis longtemps de ses prouesses. Mais ce qui est grave, c’est que M. Veuillot n’engage point que sa chétive personne et que sa piètre importance. Comme font de leurs femmes les Anglais de la basse classe, il traîne derrière lui l’Église, la corde au cou, sur les différents marchés où il brocante ses opinions. Il met la main sur Jésus et le promène avec lui d’un camp à l’autre. Il trouve dans les livres sacrés, dans les décisions des conciles, dans les actes de la papauté, des preuves à l’appui de toutes ses doctrines. Il avait au recto des citations en faveur de la liberté ; il en a au verso pour l’autorité. Il enrôlait Pie IX dans les rangs de la démocratie. Il bourre, avec l’encyclique de Grégoire XVI, les fusils des champions de l’absolutisme. Ceci est à coup sûr un regrettable spectacle, navrant pour les fidèles, et qui scandalise ceux qui n’ont pas la foi. « Quoi ! disent-ils, il parle au nom de l’Église, de l’immuable, de l’éternelle, de l’omnisciente, de l’infaillible, et sa parole est plus variable que le vent qui saute capricieusement d’un point à l’autre de l’horizon ! Sa langue est fourchue comme celle du serpent ! Il brûle maintenant ce que naguère il adorait, et il adore ce qu’il a brûlé ! Il a de l’encens pour toutes les causes, des injures pour tous les vaincus, des sourires pour toqs les vainqueurs. Secouons la poussière de nos pieds sur le seuil de son Église et méprisons-le, lui et son Dieu. »

Je souffre d’écrire ces lignes, mais la vérité m’y pousse. Je sais fort bien que M. Veuillot en impose, quand de son autorité privée il traite d’hérésie toute opinion contraire à son opinion, entendons-nous, à son opinion du jour ; mais les esprits faibles s’y trompent, et c’est un grand dommage pour l’Église, un grand préjudice pour la foi. Quand ils voient sa bannière sainte agitée par une main qui s’est levée pour