de fange et de scandale où il n’a cessé de s’engager de plus en plus avant. Quelques prélats emportés par l’élan d’un zèle sans doute excessif, se croyant trop à l’étroit dans le domaine infini pourtant du ciel et de l’éternité, avaient les premiers porté la parole. M. Veuillot se pendit à la cloche d’alarme et sonna le signal de l’émeute scolaire. Ce fut quelque chose de bouffon à la fois et d’odieux. Abrité derrière le manteau sacré d’un petit nombre d’évêques, détrempant dans la lie de son style l’éloquence hautaine et convaincue de M. de Montalembert, l’ancien duelliste, l’ancien coureur de bals suspects, l’ancien journaliste de rencontre, l’ancien viveur déchaîna, comme une meute aboyante, dans cette querelle au fond toute pacifique et qui eût dû toujours garder un caractère de ménagement et de douceur, toutes les violences de son tempérament haineux.
Il arma à double charge son escopette de condottiere, se mit à l’affût sur le seuil des collèges, et troubla de ses cris et de ses coups le paisible empire de la science. Je l’affirme, car je viens de remuer tout ce tas d’articles pestilentiels qu’il publia à cette occasion : il n’apporta pas un argument, pas une raison, pas une parole de poids et d’autorité. Des clameurs furieuses, des cris d’orfraie enragée, des aboiements hydrophobes, voilà quelle fut sa part dans le débat. D’autres adversaires moins timides eussent renvoyé avec mépris au chenil cette éloquence de carrefour ; mais M. Veuillot connaissait sa partie. Les pauvres professeurs, amis de Platon et de Virgile, familiers seulement avec les douces ironies de Socrate en ses dialogues, se bouchèrent les oreilles, perdirent la tête, relevèrent leurs toges pour mieux courir, et furent pris d’une sueur de saisissement et de peur. On les accusait d’être des impies, des corrupteurs de la jeunesse, des citoyens pervers, des chrétiens tièdes ou des athées ; ils se regardèrent les uns les autres avec embarras, et ne surent que répondre à cet homme si sûr de son fait. Leur latin leur échappait par toutes les fentes de leur mémoire troublée. L’un d’eux, une des grandes intelligences de ce temps-ci, une des paroles les plus écoutées au parlement, un des esprits les plus vifs de l’école, fut un instant, comme un personnage d’Ovide, changé en bête., Son esprit se ferma, sa raison s’obstrua, la folie avec ses ténèbres fit invasion dans sa tête et la bouleversa. Beau triomphe pour l’éloquence de M. Veuillot !
Pendant trois ou quatre ans, il s’acharna sur le même thème, il
