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LE PRÉSENT.

tueux, eussent demandé en haussant les épaules : Quels sont ces avocats bavards et colères, et le monde entier, vous, moi et M. Veuillot, nous serions encore païens.

Il en est autrement de nos jours. Lorsque quelque ancien mécréant revient à résipiscence et, après avoir traîné de ville en ville le scandale de sa vie et de ses iniquités, soit épuisement, soit lassitude, soit peur du malin, veut enfin faire sa paix avec le ciel, il ne réforme rien à sa conduite, à ses mœurs ; il charge seulement de plus d’impudepce et de plus d’audace les emportements de sa nature grossière ; il achète encre, plume et papier, un masque de verre comme en portait la Brinvilliers quand elle manipulait ses poisons, et il fait ce qu’on appelle un journal religieux.

Combien de gens a-t-il convertis ? Il s’agit bien de convertir, vraiment, — il s’agit d’injurier.

Parlons maintenant de M. Louis Veuillot.

Sa première campagne au nom de la religion, il avait déjà porté les armes sous les ordres de plus d’un préfet pour la cause plus mondain » de la dynastie de juillet, se fit dans l’Univers en 1843. Le drapeau était celui de la liberté d’enseignement, l’ennemi était l’Université. Ces lattes sont encore bien près de nous, et oublieux que nous sommes, nous en avons déjà perdu presque tout souvenir. La question cependant est importante et vaut la peine qu’on lui fasse une place dans son intelligence et dans sa mémoire.

La révolution, on le sait, avait eu autre chose à faire qu’à apprendre à lire aux enfants, ou à étudier Cicéron et Virgile. Elle avait fermé les anciennes écoles, dispersé les vieux maîtres ; elle n’avait point eu le temps d’ouvrir des écoles nouvelles, de former les jeunes maîtres de la jeune génération. Là, comme sur bien d’autres points, le génie de Napoléon Ier lui vint en aide et acheva ce qu’elle n’avait pu que rêver ou ébaucher. Une première organisation de l’Université eut lieu en 1802, une autre plus complète en 1808. Napoléon, dont on veut faire à tort un ennemi de 89 et des idées que 89 a secouées sur le monde, avait compris que si, en fait d’enseignement, les anciennes méthodes étaient bonnes, il y avait à renouveler tout le personnel. Au lieu des congrégations presque toutes imbues du vieil esprit, attardées dans les ornières du passé et hostiles à cette conscience rajeunie qui battait dans le cœur de la France révolutionnaire et impériale, il avat imaginé de confier les fils