Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/73

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE CATHOLICISME ET M. LOUIS VEUILLOT

Aux temps héroïques du christianisme, lorsque l’Évangile florissait dans sa pureté première, le ciel en fête et la terre réjouie avaient souvent le spectacle de miraculeuses conversions. Quelque païen, chaud encore des fumées de l’orgie, tout souillé du culte de la Vénus impudique, la dernière déesse qui ait quitté l’Olympe déserté, sentait tout à coup ses yeux s’ouvrir à une lumière nouvelle. Une main inconnue entr’ouvrait sa paupière à des clartés qu’elle ne soupçonnait pas, un doigt mystérieux levait le voile abaissé sur son intelligence, et il s’écriait : Je suis chrétien ! Alors s’opérait une merveilleuse transformation. Le débauché redevenait vierge de corps et d’esprit ; le prodigue faisait des économies pour vêtir ceux qui avaient froid et nourrir ceux qui avaient faim ; l’avare ouvrait ses coffres à la charité, mère de l’aumône ; l’orgueilleux devenait humble, le brutal et l’emporté se convertissaient à l’indulgence et à la douceur. Ces néophytes se gardaient bien de se rendre sur les places publiques, d’y injurier les passants, d’arrêter par le pan de leur tunique leurs frères égarés et de leur prêcher en écumant la foi du Sauveur miséricordieux ; ils se renfermaient chez eux, pleuraient leurs erreurs passées et priaient en silence. Ou bien si, comme saint Paul, ils sentaient leurs lèvres brûlées de ce charbon de l’éloquence qui purifie et enflamme la parole, ils prenaient le bâton du pèlerin et s’en allaient à travers les villes, instruisant et bénissant. Ils eussent été odieux et ridicules s’ils eussent mis dans leurs discours autre chose que le sel de la sagesse divine, le miel de la grâce et la douce amertume de l’espérance et du pardon céleste : les chrétiens, leurs frères, les eussent désavoués ; les gentils, habitués aux luttes les plus extrêmes de l’éloquence injurieuse dans leurs forums tumul-