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LE SPHYNX.

Il répliqua froidement : J’ai eu tort ; puis il fit un pas pour se retirer.

Julie ne devinait rien de ce qui se passait en lui. — Vous vous fâchez ? dit-elle naïvement.

Mais madame André reconduisit le jeune homme jusqu’au petit chemin…

— Le sort en a décidé contre ma vieille prudence, lui dit-elle, ma fille vous aime… Oserez-vous jamais devenir mon fils ?

Le bel Onfray se rappela que Georges lui avait adressé un jour une question toute semblable, et il avait aussi gardé le silence.

— Oh ! je ne vous demande point de me répondre aujourd’hui, reprit amèrement la vieille dame. Réfléchissez et partez plutôt, il en est encore temps.

François attendait son maître avec impatience.

M. de Kœblin est tombé ce matin comme la foudre chez M. le maire, dit-il, et, séance tenante, il s’est rendu acquéreur des Rosières. Il prend le bien tel qu’il est, et la maison toute meublée, et il achète en même temps la Maison mortuaire, comme on dit ici.

Arsène se taisait.

— J’en suis bien fâché, reprit le valet, les mauvais propos ne roulaient plus que sur M. de Kœblin ; on disait qu’il avait entraîné le maire à la Maison-Grise et que c’était le maire à son tour qui nous avait séduits. Cette réconciliation avec la mairesse fera bien du tort à monsieur !

Le bel Onfray n’en écouta pas davantage ; il remonta dans son appartement et s’y enferma. Le lendemain, il demanda le fameux cheval, que François lui amena tout harnaché de neuf. Alors il s’élança dans la direction de la forêt et on ne le revit plus qu’à la nuit tombée : mais dès le matin il se rendit à la Maison-Grise ; Julie était seule.

— Qu’avez-vous fait hier ? lui demanda-t-elle.

Il répliqua machinalement : — J’ai acheté un cheval.

— Oh ! vous devez être bon cavalier, reprit Julie… Cela vous occupera du moins, lorsque vous ne serez plus ici.

— Ici ! s’écria-t-il. Ah ! j’y étouffe ! Je sens que mon cœur y manque d’air et d’espace, et que vous aussi vous y souffrez. — Julie ! voulez-vous partir ?

— Partir ! répéta-t-elle ; oui, oui, nous partirons, quandje serai votre