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LE PRÉSENT.

qu’ils n’expliquent point suffisamment ce qu’ont fait les Anglais de ce lâche troupeau d’esclaves. L’un de ces chapitres est intitulé : les Écoles. Les écoles anglaises, aussi bien que celles que la Compagnie a créées pour y faire élever les natifs, ou que celles enfin qui existaient avant ces tentatives du marquis de Wellesley et de lord Dalhousie. On est épouvanté de compter les études que la Compagnie exige de ceux qui aspirent à recevoir d’elle quelque fonction. Munis d’une instruction si diverse, si haute, gardant néanmoins avant tout le sens pratique, qui est le plus sérieux apanage de la race anglo-saxonne, ces hommes devaient partout semer le bien. Comment se fait-il donc qu’ils n’aient récolté, d’un bout à l’autre de leur empire, que la haine des peuples ?

Ces peuples d’ailleurs n’ont plus rien d’humain. Lisez le terrible chapitre : Crimes et Châtiments, l’histoire des Dacoïts et des Thugs. Dans ce malheureux pays, toutes les passions humaines en sont arrivées au crime, toutes les croyances au délire. C’est ainsi que l’orgueil des Radjpouts les pousse à immoler leurs filles, de peur qu’il n’y ait une mésalliance dans leur race. Malgré l’importance attribuée aux tribunaux anglais, malgré la sévère probité des juges, le crime dans toute l’Inde est insaisissable. L’instruction criminelle est-elle possible dans un pays où le prix courant d’un faux témoignage est seulement de quelques centimes ?

Le livre de M. de Valbesen était écrit longtemps avant la guerre ; mais il est la réponse faite par avance aux rares écrivains de bonne foi qui souhaitent aujourd’hui l’anéantissement des Anglais.

LES MARGES DE LA VIE, par M. Jules Allard et Mme Léonide Allard[1].

C’est un spectacle fort touchant et peut-être sans exemple, que celui d’un ménage de poètes. La sainte institution du mariage a tout un autre but que de faire rimer de compagnie l’homme et la femme. Et cependant est-il possible d’imaginer une plus parfaite communion d’âme, un plus sûr bonheur pour deux êtres qui s’aiment, que celui de penser et de chanter ensemble ? Il y a des amants si follement épris, il est vrai, qu’en pareil cas ils ne songeraient point à chanter : mais M. et madame Allard y ont songé par bonheur pour nous et pour la poésie. Tous deux, ils s’avancent dans ce livre comme dans la réalité, côte à côte, et ils parcourent en se tenant par la main le double sentier de l’art et de la vie ; car ce mot « les Marges » signifie probablement ici les bords du chemin. Quoiqu’il en soit, c’est un honnête chemin que celui qu’ils suivent, et, s’ils y ont trouvé des fleurs, ils ne s’arrêtent pas, en égoïstes, à les cueillir, lorsqu’ils aperçoivent au loin quelque chose de mieux à faire. Tout ce qui souffre, tout ce qui pleure les appelle ; ils n’hésitent jamais à consoler les blessés ou à chanter les vaincus.

  1. Michel Lévy frères, rue Vivienne.