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LIVRES ET JOURNAUX.

toujours voir disparaître et qui renaît à chaque instant par des moyens inattendus. Il ne faut pas accuser M. Freytag d’avoir consacré deux énormes volumes et un grand talent à prouver que le bourgeois d’Allemagne est ce qu’il y a de plus parfait et de plus vivace ici-bas. L’Allemagne n’est pas la France, et la bourgeoisie dont elle a besoin pour organiser ses libertés, n’est point la nôtre. Mais M. Freytag n’est pas Allemand à demi : écoutez-le prêcher l’asservissement de la race slave. Cet excès de patriotisme a gâté, pour le fond, toute une partie de son livre, dont les autres défauts semblent, au contraire, avoir tourné à bien, car c’est le décousu même de cette longue histoire qui la rend si humaine et si vraie. Elle est illogique comme la vie.

L’INDE ET LES ANGLAIS, par M. E. de Valbesen[1].

Voici un livre qui mérite mieux assurément qu’un maigre bout de compte-rendu, et notre regret est vif de n’avoir ni l’espace ni le savoir qui conviendraient ici pour l’analyser. On connaît peu l’Inde chez nous, ou bien on la connaît mal. Beaucoup de voyages et de relations de toute sorte ont éveillé notre curiosité, car il se dégage de tous les récits que cette vieille terre a inspirés quelque chose de saisissant et de sombre qui nous émeut, même malgré nous. Mais tous ces ouvrages divers ne nous avaient encore éclairés qu’à demi ; pour porter définitivement la lumière sur cet ensemble encore obscur, il nous fallait un dernier livre fait avec une supériorité vraie de connaissances spéciales, et c’est ce livre que M. de Valbesen nous a donné. Aucun des secrets de la société britannique et du gouvernement de la Compagnie ne semble lui avoir échappé. Cette forte organisation qui pèche en tant de points, est justifiée par sa force même et par sa nécessité d’être. Peut-être ne subsiste-t-elle point sans injustice : — « Il y a sans doute, dans ce fait d’une population systématiquement exclue de tous les hauts emplois de l’administration, d’une armée commandée exclusivement par des étrangers, un état de choses anormal, une injustice réelle ; mais il y a au-dessus de tout cela l’intérêt du salut public, une question de vie ou de mort pour l’Angleterre : to be or not to be.

Ne s’arrêtant point aux palais de Calcutta, the city of palaces, ni à cette société anglaise toujours en fête et mourant d’ennui, M. de Valbesen a essayé de descendre du souverain au peuple, et de percer le mur de fer qui entoure la vie indigène. Mais comment étudier cette tourbe dégradée qui naît dans les jungles et meurt sous les roues de chars sacrés ? Aucun voyageur cependant n’a jeté un plus vif coup d’œil sur ces sauvages mystères dufanatisme, et il y a deux chapitres de l’Inde et les Anglais qui condamnent à jamais la liberté des Hindous, quoi-

  1. Michel Levy frères, rue Vivienne.