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REVUE DES COURS PUBLICS
L’ENSEIGNEMENT ET LES LIVRES.

L’enseignement supérieur de la province a aussi ses mérites, et il est bon de les signaler. Il y a là, dans un demi-jour modeste, des talents et des vertus. Les talents n’y ont pas ce retentissement qui se prolonge par la presse et les salons, comme à Paris, mais auquel se mêlent souvent un peu d’exagération et de parti pris. En revanche, ils y gagnent en gravité et en force. Moins d’éclat et plus de solidité parfois, le lot n’est pas à dédaigner. En province, on a autour de soi des juges dans ses collègues et, précisément parce que les applaudissements y sont moins fréquents ou moins passionnés, on fait effort pour les provoquer. Pour vaincre l’apathie ou la sévérité d’un auditeur, que ne ferait-on pas ? Malheureusement, et c’est là le côté triste, la voix du maître va frapper quelquefois des murailles sans écho ou des oreilles sans intelligence. Les efforts s’épuisent infructueusement et, au lieu de les entretenir, on les laisse à la fin se ralentir jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent. Fâcheuse issue d’une série d’essais généreux que rien n’entretient et que tout semblerait décourager, s’il n’y avait d’honorables exceptions, si l’on ne rencontrait dans certaines chaires des talents toujours vivaces et des forces toujours en éveil.

Ce sont ces enseignements exceptionnels et ces talents trop peu acclamés qu’ib est bon de faire connaître. Voici, par exemple, dans la Faculté des lettres d’Aix, deux jeunes professeurs qui attirent la foule. L’un, c’est M. Weiss, est chargé de la littérature française. Il parle de Molière et de la comédie au xviie siècle avec un filet de voix, mais dans sa gravité un peu nonchalante la pointe d’esprit, le trait, font saillie au moment le moins attendu, ou plutôt lorsqu’on les attend désormais. C’est la finesse dans le savoir qui caractérise ce jeune talent, non pas que le savoir soit nouveau, mais il offre de l’originalité et du goût. Les facultés et les études antérieures du professeur le portaient vers l’histoire et les langues étrangères : c’est là qu’il s’était exercé par une gymnastique sérieuse et de bonnes études. Le