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LE PRÉSENT.

saire de remonter vaillamment jusqu’aux sources cachées et lointaines de l’inspiration ; ils ont tout doucement écrit, qui de la prose plus ou moins banale, qui des vers plus ou moins corrects, qui enfin des notes plus ou moins harmonieuses, et ils ont pu en toute sécurité compter sur un maximum de droits à toucher pendant cent ou cent cinquante représentations consécutives.

Allons, messieurs, n’oubliez pas que vous avez une mission à remplir, une réputation à conserver, des promesses à tenir ; nous savons jusqu’où vous pouvez aller. Les titres que vous avez déjà acquis à la sympathie et à la confiance des amis de l’art sont bien suffisants pour vous rappeler que le talent oblige et qu’il vaut cent fois mieux se taire que de se donner à soi-même des démentis.

Sans pousser plus loin ces considérations inspirées par le respect du talent et l’amour de la justice, entrons dans l’analyse de Margot et examinons cette pièce au double point de vue du drame et de la musique.

Au premier acte, l’action s’engage dans une ferme de Normandie. Le père Landriche en est le fermier ; c’est un paysan madré et ambitieux qui convoite tout bonnement le château et la fortune de son jeune seigneur, le marquis de Brétigny. Pour en arriver à ces fins, il lui prête, avec une facilité assez étrange, des sommes considérables. Margot est la servante de la ferme ; servante, direz vous, voilà une bien humble position pour l’héroïne d’un opéra ; rassurez-vous, Margot a bien de quoi se faire pardonner cette erreur de la destinée ; elle a ce qui la ferait l’égale au moins de bien des grandes dames : une taille charmante, des yeux adorables, un cœur d’or et une voix de rossignol. Aussi le marquis, qui reconnaît dans ce trésor champêtre une filleule à lui, veutril l’emmener au château où il lui fera trouver tout ce qui peut la charmer, des fleurs, des hommages, des amis, un amoureux… Mais Margot a tout cela à la ferme, même l’amoureux ? en la personne de Jacquot qu’elle trouva un jour sous le porche de l’église mourant de faim et de froid, et qu’elle a fait entrer au service de Landriche. Elle reste donc à la ferme et le parrain s’en va n’emportant que l’or du fermier. Cependant Jacquot, chargé par son maître de porter trente écus au collecteur, découvre chemin faisant nn nid de sansonnets ; Margot en désire un, le pauvre garçon grimpe sur l’arbre, mais une branche se casse, déchire la poche de l’amoureux et l’argent tombe au fond d’une mare voisine. Que faire ? comment se présenter devant le terrible Landriche sans un reçu de l’officier comptable. Jacquot est un homme perdu, il se désespère ; mais Margot se dévoue, prend la faute pour son compte, et, forcée de quitter la ferme, elle se dirige du côté du château de Brétigny après avoir adressé de touchants adieux à ses compagnons.

Au deuxième acte nous retrouvons Margot au château. Sans le vouloir, elle donne beaucoup d’ombrage à la cousine du marquis, une riche veuve qui voudrait bien changer son nom affreusement roturier de Balandard contre le titre de marquise. Les charmes de sa filleule font oublier au marquis et scs devoirs de