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CHRONIQUE.

pâs un n’est mort au milieu du combat, sur l’échafaud ou bien devant une barricade. Ils ont un cœur comme les autres, ces hommes d’action au front sévère, et quand il a trop saigné, il se brise, l’homme s’affaisse, le glaive tombe, et le héros s’évanouit

Ah ! laissez-moi vous parler des vivants, et distraire un peu votre douleur ou votre ennui.

Je vous ai promis l’autre jour quelques pages d’un livre superbe, sublime de fantaisie, plein de verve, d’esprit et de force, qu’on trouverait, si on le voulait bien, dans tous les cabinets de lecture, mais qu’on ne demande jamais. À peine s’il est connu des gens qui font leur métier de la littérature. Sans aucun doute, les contemporains de l’auteur connaissent ce grand diable d’Aristide Froissard, son père, sa belle-mère, sa femme et ses amis, tout ce monde si amusant et si drôle. Mais j’ai eu beau interroger quelques amis et des confrères (oh ! l’affreux mot !), personne, parmi les jeunes, n’a lu ces deux volumes, publiés en 1844 par Hippolyte Souverain, l’éditeur de Balzac, Soulié, Paul de Kock, Luchet, Gozlan, etc. Le moment se trouve bien. Point de nouvelles ! Paris est encore triste et vide. Je vous ai dit pourquoi j’étais moi-même découragé, incapable de trouver une idée, une phrase, une parole heureuse ! Je ne puis pas me refaire. Le public, d’un autre côté, ne doit pas souffrir de mon humeur chagrine. Les circonstances ne furent jamais meilleures pour tenir ma promesse. Ce n’est plus moi que l’on va lire. Il peut bien m’arriver, tous les six mois, d’en appeler à l’esprit des autres, et de me faire remplacer pour la moitié d’une chronique. Mais pourquoi tant de précautions ? Tout le monde sera heureux du choix que j’ai fait aujourd’hui, chroniqueur, lecteur, éditeur. Ceux qui liront ces pages, toutes baignées d’ironie, voudront lire les deux volumes, et, comme moi, ils resteront tout étonnés qu’Aristide Froissard ne soit pas populaire, et, quand on parle du Rodolphe d’Henry Murger, ou du Sylvius de M. Champfleury, qu’on ne songe pas à citer Aristide, un drôle de sage, mais un sage que les folies mènent au bonheur, et qui reste, ma foi, presque un modèle de dignité, au milieu de ces aventures scabreuses, étranges, bizarres, qui remplissent le livre. Point n’en veux faire l’analyse. Je vais prendre dans le premier volume un portrait, le récit d’un dîner, puis une conversation entre père et fils, enfin une scène à l’église… Écoutez :

C’est encore moi qui parle, Froissard va faire une partie à Saint-Cloud avec ses amis, la dernière Guitare, le beau Beaugency et un autre. Froissard a emprunté dix mille francs à un usurier ; il en a donné mille à celui qui l’a mis en rapport avec l’usurier, mille de la main à la main à l’usurier. Sur les huit mille restants, il faut mettre en ligne de compte un lion privé. Retenez ce lion !

En attendant, voici le portrait de ce troisième ami de Froissard :