Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/488

Cette page n’a pas encore été corrigée
468
LE PRÉSENT.

temps son avancement. Envoyé, presque à sa sortie de l’École d’application de Metz, en 1828, dans la Morée, dont la France à cette époque soutenait les efforts à l’indépendance, il y resta en qualité de capitaine jusqu’en 1829. Compromis par ses opinions politiques en 1832, Cavaignac fut envoyé en Afrique, où la réputation de républicain exalté qu’il s’était faite en France lui porta le plus grand tort auprès de ses chefs. Il fallut toutes les qualités militaires, le courage brillant dont il fit preuve en mainte rencontre, et sa conduite exemplaire comçie soldat, pour réparer la prévention fâcheuse que ses antécédents politiques avaient fait naître dans leur esprit. Toutefois, son intelligence et l’habileté de ses manœuvres à Médéah, Bouffarik, Cherchell, et surtout dans l’expédition plus importante de Tlemcen, prouvèrent que le jeune capitaine était digne de sortir enfin de la position modeste où l’avaient jusque-là maintenu l’indépendance de ses opinions. Après la prise de Tlemcen, le maréchal Clausel, pour former une garnison destinée à occuper la citadelle du Méchouar, fut forcé de recourir à la bonne volonté des soldats audacieux qui voudraient s’enfermer dans le fort pour arrêter de ce côté les troupes d’Abd el Kader pendant l’éloignement de l’armée. Cavaignac serait du nombre des volontaires, et reçut le commandement du petit bataillon. Ils’enferma dans le Méchouar avec les Coulouglis qui, bravant la colère de l’émir, prirent le parti des Français, et il parvint à se maintenir dans ce poste difficile, malgré les attaques sans cesse renouvelées des Arabes, les privations de toutes sortes qu’ils eurent à souffrir, et la nécessité de faire souvent des sorties périlleuses, pour se procurer par le pillage les provisions qui manquaient complètement au milieu d’un pays ennemi. Le général Bugeaud, à son retour, fit offrir au brave chef du Méchouar le grade de chef de bataillon ; mais Cavaignac refusa noblement de monter en grade pendant que les demandes d’avancement de ses camarades avaient été refusées, et il continua avec le même désintéressement à défendre la petite citadelle, jusqu’à ce qu’après la prise de Constantine il fnt appelé au deuxième régiment de zouaves et de là au bataillon d’infanterie légère dit des zéphirs, où il reçut enfin les épaulettes de chef de bataillon. Enfin, rentré après quelques années au corps des zouaves comme lieutenant-colonel, il commandait encore ce régiment, lorsqu’en 1841, avant la bataille d’isly, il fut nommé colonel du 32e de ligne, et chef de l’avant-garde de l’armée, dans cette terrible bataille où le maréchal Bugeaud acquit une gloire immortelle. Une si belle conduite ne tarda pas à être récompensée, et quelques jours après, il reçut le grade de maréchal de camp, et le titre de commandeur de la Légion d’honneur. Il resta alors à la tête de sa brigade jusqu’au jour où éclata la révolution de février. Tout le monde sait le reste. Tout le monde sait aussi qu’il eut un frère du nom de Godefroy, — une noble figure et un grand cœur ! Je dirai, à propos de lui et pour le distinguer de sop frère Eugène : Heureux ceux-là qui meurent sans remords ! Chose étrange : de ces trois hommes, Jean Cavaignac, Godefroy et Eugène,