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LE PRÉSENT.

ses souvenirs, interroge ses espérances, et qu’il s’arrête pour méditer au bord de cette tombe, où dort un des représentants glorieux du passé. Un mot pourtant, un seul, avant de copier l’histoire de cette famille. Que va devenir, lui tombé, le parti dont seul Cavaignac était l’homme, le chef, le héros !

Cavaignac (Jean-Baptiste), le père du général qui vient de mourir après avoir donné à son nom une triste illustration dans ces derniers temps, disent les uns, après avoir sauvé sa patrie, disent les autres (Jean-Baptiste) Cavaignac était né en 1762, à Gourdon, petite ville du Lot. Il était avocat près le parlement de Toulouse, quand la révolution française vint donner une nouvelle direction à sa carrière, et ouvrir les plus larges routes à son ambition. Un des premiers, il se hâta de proclamer la sainteté des exigences nouvelles du peuple, et après avoir fait preuve, * au milieu de ses concitoyens, de cette exaltation révolutionnaire et de ce zèle jaloux pour les intérêts de son pays, qu’on appelait alors du patriotisme, il ne craignit pas de se présenter comme candidat à la Convention nationale, où chaque département se disposait alors à envoyer des représentants. Cavaignac fut élu à une grande majorité, et il ne trompa pas les espérances des révolutionnaires qui l’avaient envoyé à l’assemblée ; car, à la Convention comme dans les fonctions municipales qu’il avait eu à remplir dans le Midi, il fut un des montagnards les plus avancés, et il vota la mort de Louis XVI sans sursis.

Envoyé, au bout de quelque temps, en qualité d’inspecteur du gouvernement, vers les armées de l’Ouest, et plus tard vers celle des Pyrénées, il fit preuve, dans ces deux missions, de grandes capacités militaires. Il fit plusieurs règlements relatifs à l’organisation, mal effectuée, des troupes ; et les services qu’il rendit dans ces deux expéditions, le firent appeler bientôt à des fonctions plus importantes. Il fut nommé proconsul des armées d’Espagne et chargé, en cette qualité, de concert avec le farouche Pinel, que la Convention avait associé à son pouvoir, d’imposer, dans ce pays, les principes révolutionnaires de la nation. Malheureusement, il s’établit entre les deux généraux un excès d’émulation et de patriotisme qui fit, dit-on, couler en Espagne, et surtout à Saint-Sébastien, des flots de sang.

En 1794, la Convention ayant retiré à Cavaignac les pouvoirs consulaires qu’elle lui avait confiés, il reprit à la chambre les fonctions de simple député. Mais dans l’exercice du mandat législatif qu’il eut à reprendre en ce moment, il manifesta successivement de nouvelles opinions moins avancées et sut, par la modération constante de ses votes, modération dont la prudence faisait un devoir depuis la mort de Robespierre, éviter le triste sort qui frappa la plupart de ses anciens collègues.

Quoi qu’il en soit, Cavaignac fut défendu par Boissy d’Anglas des accusations terribles qui du sein même de la Convention s’élevaient contre lui, il parvint non seulement à justifier son passé, mais même à reprendre à la chambre son ancienne influence ; il fut chargé, comme dans les premiers temps, d’une nouvelle