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LE PRÉSENT.

N’importe, mon cher Flotow, vous n’avez pas à trop pleurer sur les ruines des fondations de votre édifice. Pour s’élever en Allemagne, votre œuvre n’en est pas moins solide et brillante ; le bruit de vos succès lyriques vient souvent caresser mon oreille et réjouir mon cœur. Quant à moi…, — Il ne s’agit pas de moi.

Au temps que je vous rappelle, mon ami, et où nous partagions la douce vie que fournit l’espérance, nous nous trouvâmes ensemble un soir à l’Opéra, devant le rideau qui allait se lever sur ce chef-d’œuvre entre les chefs-d’œuvre : Les Huguenots, et tout contre l’orchestre, lequel allait prendre sa part dans l’exécution. — En voyant la phalange des musiciens envahir le vaste espace réservé aux instruments, et cette véritable armée essayer ses armes, il nous arriva de nous reporter aux temps primitifs de la musique, alors que la muse ne voyait que de rares lévites approcher de son autel, et qu’une majestueuse simplicité présidait à son culte et à ses fêtes.

Nous nous demandâmes alors comment étaient nés les premiers instruments, comment ils s’étaient perfectionnés, comment ils avaient généré l’orchestre splendide assemblé sous nos yeux.

Nous marchions, nous nous arrêtions, nous bondissions dans le large chemin du probable et du possible, et nous franchissions hardiment les fossés, quand on frappa ces trois coups solennels qui sont le rêve et l’idéal des Meyerbeer futurs. Notre causerie s’arrêta pour céder respectueusement la place à celle des instruments. Mais quelques jours après, elle avait germé dans mon esprit, et il en résulta le petit travail suivant. Bien des hasards ont fait que vous ne l’avez pas lu à Paris, je vous l’adresse en Allemagne, moins pour ce qu’il contient, que comme un souvenir de ce temps-là, temps qui déjà nous semble doux, parce que déjà il est le temps passé.

L’histoire des premiers instruments est facile à reconstruire. Pour imiter, plus ou moins fidèlement la voix humaine, principe fécond de toute musique, on prit à la végétation ce qu’elle offrit d’abord de plus naïvement musical, c’est-à-dire les tubes naturels, dans lesquels l’air en passant avait révélé une voix. Le bruit qui ressort du choc de deux objets plus ou moins sonores donna naissance aux instruments dits de percussion, lesquels sont toujours restés, naturellement, fort peu compliqués, et l’on croit que les instruments à cordes, dont l’origine remonte à quelque hasard encore inconnu, ne vinrent néanmoins