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LE PRÉSENT.

— Mon oncle, vous permettez ?

— Que de façons, tudieu !

Je lus la missive ministérielle et je me laissai tomber sur une chaise.

— Je ne suis pas nommé ! m’écriai-je.

— Eh bien ! Octave, vas-tu t’évanouir comme une femmelette qui a Ses vapeurs ?

— Le diable s’acharne après moi. Les parents d’Ernestine, qui comptaient sur ma nomination, auront eu vent de mon insuccès, et ils me retirent leur parole. Voilà le monde !

— Tu seras nommé un peu plus tard.

— En vérité, votre optimisme me réjouit.

— Et toi, ta tristesse m’afflige. Ecoute-moi bien. Sois tranquille et dors sur les deux oreilles ; je te marierai, je te doterai ; je ne veux pas que mon nom périsse, je serai le parrain. Tu auras un garçon, tu l’appelleras Michel, un beau gros garçon.

— Dame ! mon oncle, je ne puis répondre de rien.

— Si, si, ce sera un garçon.

— Puisque vous y tenez…

— Demain, j’irai trouver le ministre, qui est un peu de mes amis, et tu auras la place avant un mois.

— Mon oncle, votre bonté…

— Laisse-moi donc tranquille avec ma bonté. Il me déplaît qu’on souffre autour de moi ; ton ennui me rendrait malade. Compte sur mon affection.

— Merci !

— Merci de quoi ? Cela me contente de te rendre heureux. Tu soupires ! Voyez-vous, l’ingrat, il soupire.

— Pardon, mais… Vous prenez du café ?

— Du thé, si c’est possible. J’ai mes habitudes : du thé le matin, du café le soir.

Mon oncle Michel ne demande qu’à trouver tout excellent ; et, comme nul malheur n’a osé toucher à sa vie, il a l’opinion du docteur Pangloss, que nous sommes dans le meilleur des mondes possibles. Jamais il n’a lu aucun de ces livres qui ont inventé la rêverie et la douleur ; il n’a d’imagination que ce qu’il faut pour voir tout sous des couleurs roses ; sa petite fortune lui permet de vivre sans songer à autre chose qu’a dépenser gaiement les heures que Dieu lui accorde. C’est un des