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L’INDE FRANÇAISE.

contraint de livrer et de perdre une bataille ! » L’unique conseil de guerre dont les avis eussent jusqu’alors dirigé sa conduite n’était en réalité composé que de son incapacité militaire, de son imprévoyante et de sa précipitation vaniteuse,

Tant de malheurs excitèrent enfin contre lui les murmures et les plaintes de la colonie. Le danger était extrême. L’escadre anglaise vint mouiller dans la rade ; l’armée, victorieuse à Vandavaky, s’avançait en enlevant de toute part les postes qui défendaient le » approches de la ville. Nous étions bloqués par terre et par mer. Les troupes réclamaient le dernier payement de leur solde, et les habitants de Pondichéry maudissaient hautement cet homme, qui perdait l’Inde et qui les ruinait.

Pondichéry manquait de vivres. La rapidité foudroyante de nos désastres avait accablé le gouverneur et les conseillers supérieurs qui, d’ailleurs, sans argent et sans pouvoir, menacés, mis aux arrêts, exilés, les uns à quatre, les autres à douze lieues de la place, ne pouvaient prendre l’initiative d’aucune mesure de défense. Deux mille cipayes du Maïçur et deux mille cavaliers mahrattes réussirent à traverser les lignes anglaises. Ils amenaient dix-huit cents bœufs dont les deux tiers furent tués ou enlevés pendant l’action ; mais comme on ne tenait aucune des promesses qu’on leur avait faites, ils reprirent, au bout de trois semaines, le chemin de leur pays. Lally, qui n’avait pas voulu attaquer le camp anglais lorsqu’il disposait de quatre mille alliés, les meilleurs soldats de l’Inde, l’entreprit dès leur départ. Deux régiments sortirent en tirailleurs et revinrent deux jours après. Toute communication extérieure fut coupée. Un coup de vent furieux qui tomba sur l’escadre ennemie, rasant cinq vaisseaux et en jetant quatre à la côte, nous offrit un moment l’occasion de nous dégager. Le camp anglais avait été en quelque sorte balayé : la confusion la plus complète y régnait. Une sortie générale eût amené la dispersion inévitable des assiégeants. Lally se refusa à toutes les sollicitations du gouverneur et des officiers. Il ordonna à l’intendant et au prévôt de l’armée de faire des perquisitions dans les maisons particulières et d’y saisir les approvisionnements qu’ils y trouveraient, de quelque nature qu’ils fussent. Cette vexation inutile souleva toute la ville, qui ne renfermait plus ni riz, ni bœufs, ni chevaux, et dont les habitants, Européens et indigènes, en étaient réduits à se nourrir de rats et de corbeaux. Duval de Leyrit