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LE PRÉSENT.

sortie de la garnison anglaise fut repoussée avec succès par le régiment de Lorraine, dont le colonel, le comte d’Estaing, resta cependant prisonnier de l’ennemi. Son commandement, fut donné à Bussy, qui servait en volontaire dans l’armée.

On ne commença régulièrement le siége qu’au mois de janvier. Mais, faute de poudre pour soutenir le feu, nos batteries étaient démontées, à peine démasquées. Il fallait se retirer ou tenter l’assaut. Lally prit ce dernier parti, et ses ordres étaient donnés, quand six vaisseaux anglais vinrent mouiller dans la rade, sous le canon des forts, amenant des secours d’hommes et de munitions. Madras renfermait déjà seize cents soldats européens et trois mille Cipayes ; son artillerie était bien servie et les sorties se multipliaient. D’un autre côté, nous avions à redouter l’approche de Niçam-Ali-Khan, à la tête de cinquante mille cavaliers qui tenaient la campagne, par suite de l’inaction forcée de Çalabet-Cingh. La levée du siége fut résolue dans la nuit du 17 février. Lally enterra ses boulets, encloua ses canons et abandonna le plus grand nombre de ses malades et de ses blessés dans une pagode qui avait servi d’ambulance. La retraite ne fut plus inquiétée. La Bourdonnais avait assiégé, avec des forces très-inférieures, cette ville qui nous voyait fuir, et il s’en était emparé ; Dupleix avait défendu Pondichéry, un contre vingt, et il l’avait sauvée ; mais ces noms glorieux étaient déjà relégués dans les temps héroïques de notre histoire orientale, et les jours de notre décadence étaient venus. En quittant Madras, Lally apprit la perte de Matçulipatnam, dégarnie de sa garnison européenne par ses ordres et tombée aux mains des Anglais. Enfin, une lettre écrite à de Leyrit et interceptée par les postes ennemis qui coupaient la communication entre Madras et Pondichéry, traduite dans tous les dialectes de la côte et distribuée à profusion, fit, à elle seule, plus de mal qu’une bataille perdue. Lally y déclarait qu’il renonçait à commander des Français inférieurs aux nègres de Madagascar ; il espérait que le feu du ciel tombé sur Sodome consumerait Pondichéry, et il en donnait toute la population pour un amas de bandits et de lâches voués à l’extermination qu’ils méritaient. L’effet de cette lettre et des commentaires anglais fut irréparable dans un pays où le chef d’une nation personnifie la gloire ou la honte de cette nation elle-même.

Lally partagea l’armée en quatre corps, sur une étendue de quinze