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LE PRÉSENT.

cipayes suffiraient à prévenir le danger. Au point de vue de nos propres intérêts, la situation de Çubah devait nous alarmer sérieusement, puisqu’il était le seul obstacle à la jonction des Mahrattes, de Niçam-Ali-Khan et des Anglais qui, une fois maîtres du Dekkan, outre qu’ils nous enlevaient les Cirkars et Matçulipatnam, pouvaient mettre Madras à l’abri de toutes nos tentatives. Çalabet-Cingh déclarait, en dernier lieu, au général en chef, que, n’ayant plus d’autre recours contre son frère et contre Balad-Ji-Rao, qu’une étroite alliance avec la Compagnie anglaise, il allait être forcé, pour sauver sa vie autant que pour garantir ses droits, de renoncer à l’ancienne amitié des Français, si Bussy ne lui était rendu. Celui-ci, désespérant de convaincre Lally, crut devoir lui soumettre un plan de campagne qui offrait ce double avantage d’être conforme, dans ses résultats réels, aux idées arrêtées du commandant en chef, tout en palliant les dangers imminents que nous courions. Il s’agissait d’annoncer au Çubah qu’un corps de troupes commandé par Bussy retournait dans le Dekkan, et de le faire partir effectivement. Çalabet-Cingh, instruit de notre retour et de notre marche réelle, prendrait de suite les mesures les plus énergiques contre nos ennemis communs. Pendant ce temps, Lally, ayant arrêté toutes ses dispositions pour le siége de Madras, se mettrait en mouvement vers le nord. Au jour convenu, Bussy, sans renoncer ouvertement à ses desseins avoués, se détournerait de son chemin et rejoindrait l’armée, sous prétexte de prendre part à l’assaut. Ce plan, excellent en soi, conforme à la politique indigène, et pouvant tout sauvegarder dans l’attente des résolutions ultérieures, fut rejeté dédaigneusement. Il ne convenait pas à Lally que Bussy prît l’initiative, même à titre de subordonné. Il revint seul à Pondichéry, afin d’y préparer l’expédition qu’il projetait.

Les caisses de la Compagnies étaient vides et les magasins n’avaient plus de riz. Lally adressa au gouverneur et au conseil supérieur les plus violentes remontrances : « Toute entreprise est impossible, grâce à votre négligence incurable, leur dit-il, et les troupes vont s’épuiser et périr dans l’inaction. » — Le seul coupable n’était autre que lui. Les caisses étaient vides, parce que les revenus des Cirkars abandonnés par ses ordres avaient cessé d’être perçus ; les entrepôts ne renfermaient ni grains ni approvisionnements, parce que nous n’avions ni navires pour les transporter, ni soldats pour en protéger le convoi