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LE PRÉSENT.

pensable du pays et l’intelligence politique, sans laquelle il est impossible de faire la guerre dans l’Inde. Or, il devait malheureusement confirmer la justesse de toutes ces observations critiques.

Il avait reçu devant Tand-Jaur une lettre circonstanciée, dans laquelle Bussy, tout en annonçant qu’il allait obéir, témoignait les plus vives inquiétudes sur les résultats immédiats de sa retraite. Déjà, lors de la révocation de Dupleix, Çalabet-Cingh s’était livré aux Anglais. Il avait été nécessaire de le convaincre, par la bataille d’Haïder-Abad, que notre résolution restait invariable de ne point abandonner le Dekkan. Quelles ne seraient pas ses craintes et sa surprise, s’il nous voyait partir, oubliant les promesses solennelles qui nous liaient à sa fortune, et renonçant, pour des raisons inconnues, à toutes nos possessions sur la côte d’Oryçâh ? Que deviendraient enfin les revenus immenses de ces provinces ? Pourquoi transformer en ennemis cent mille hommes de troupes alliées, dont la coopération pouvait assurer la prise de Madras et l’expulsion définitive des Anglais de tous les points de la côte, objet spécial des instructions du général en chef ? Lally ne daigna même pas discuter ces observations. « L’état perplexe et la lettre énigmatique de M. de Bussy, écrivait-il, feraient rire Héraclite. Je ne comprends pas quel profit nous pouvons retirer de nos traités et de nos alliances avec les princes mongols. Ce sont là autant de songes politiques. » Et il réitéra ses ordres. Bussy obéit et commença sa retraite.


Le mécontentement de Çalabet-Cingh se manifesta immédiatement par l’envoi d’un gouverneur dans les quatre cirkars. En outre, il fit entendre que si la promesse de notre prompt retour ne lui était faite, il se verrait dans la nécessité de désavouer les concessions accordées à la Compagnie. Bussy engagea sa parole de rentrer dans le Dekkan aussitôt que ses services ne seraient plus indispensables dans le midi. Il se liait, à cet égard, avec une sincérité d’autant plus grande, que Lally lui-même le lui avait recommandé. Mais ce dernier ne songeait qu’à les abuser tous deux, et sa résolution était de ne jamais permettre ce retour, ou du moins d’en rendre l’exécution impossible, s’il se trouvait contraint d’y acquiescer. Ainsi, ce que nous avions requis si laborieusement, au prix de tant de négociations habiles et de tant de combats, à une époque où nous étions loin de