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LE PRÉSENT.

question d’une rupture officielle entre la France et l’Angleterre. La petite armée de Bussy eût inévitablement succombé sous les forces combinées des Européens et des Mongols. De Leyrit, instruit des événements par d’habiles coureurs, fit aussitôt partir un détachement de secours sous le commandement de Law de Lauriston, ce même officier dont la conduite devant Triçnapâli avait amené la capitulation des troupes assiégeantes et l’assassinat de Khanda-Çaeb par le colonel Lawrence. Cette fois, Law déploya autant de courage, de science militaire et de décision, qu’il s’était montré faible et insuffisant à Ceringham. Durant cent cinquante lieues de marche dans un pays sans routes, à travers mille obstacles, après avoir soutenu des attaques multipliées, il parvint à trois lieues d’Haïder-Abad, où l’armée du Çubah l’attendait. La bataille fut décisive. Les Mongols, repoussés avec une perte de trois mille hommes et de huit cents chevaux, reculèrent bien au delà de leur premier campement, et la jonction victorieuse des deux corps français mit fin à la guerre. Çalabet-Cingh se repentit, accusa les intrigues anglaises et sa propre faiblesse, et donna toutes les sûretés imaginables. Bussy laissa à Aurang-Abad trois cents Européens et deux mille cipayes et se retira dans les provinces concédées. Ce fut à l’issue de cette campagne que la déclaration de guerre de 1755 entre les deux puissances fut connue dans l’Inde ; mais la Compagnie anglaise n’en avait pas attendu la confirmation officielle pour agir contre nous au Bengale.

Les Anglais s’étaient établis, dès 1640, sur les côtes de cette çubahbie de l’empire, aux conditions les plus humbles. Ni possessions territoriales, ni forteresses, ni troupes. En 1698, ils avaient péniblement acquis un territoire de deux lieues sur la rive gauche du Gange, toujours rançonnés par les radjahs et soumis à un tribut annuel par le Grand Mongol. Jusqu’en 1756, leurs progrès avaient été lents et difficiles. À cette époque, le trésorier de Çurad-Ju-Dulâh, çubah du Bengale, s’enfuit à Calcutta avec tous les fonds qu’il avait en garde. Le directeur anglais refusa de rendre le voleur et l’argent ; le Çubah vint les chercher avec cinquante mille hommes, chassa les receleurs de tous leurs comptoirs et mit Calcutta à sac. La population européenne s’étant retirée, à l’approche de l’armée, sur les navires mouillés dans le Gange, échappa au châtiment qu’on lui réservait. Quelques soldats défendirent inutilement la place. En un mois, les Anglais avaient disparu de la côte.