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LE PRÉSENT.

der en commun un harem de femmes les plus belles, les plus jeunes, les plus spirituelles, les plus artistes, les plus aimables, les plus innocentes et les plus honnêtes du monde.

Au milieu d’un vaste jardin entouré de hautes murailles, dans le quartier de Regents-Park, s’élève un hôtel que ces messieurs ont fait meubler à frais communs. Une riche liste civile est payée annuellement par eux à une femme, qui a les manières distinguées et l’usage de leur monde. Cette femme achète aux parents ou fait enlever des petites filles jolies et pauvres, en Irlande, en Angleterre, et à l’étranger. La jeune fille dont vous voyez le portrait a été enlevée ainsi en Irlande à l’âge de cinq ans.,

Ces pauvres petits êtres innocents sont placés d’abord et élevés dans les meilleurs pensionnats de Londres. Instruction, belles-lettres, musique, danse, peinture, rienne manqué à leur éducation. Par un étrange raffinement, les leçons de morale et de religion sont prodiguées à ces filles destinées à la perdition. Celles-ci, croyant à l’intervention d’une généreuse protectrice, prient chaque soir pour la noble et charitable dame qui vient de temps en temps de Regents-Park les voir maternellement et solder leur pension. Lorsque ces âmes de lis, ces corps de roses sont dans toute la vivacité et la fraîcheur de leur floraison, à dix-sept, dix-huit ou dix-neuf ans, la dame protectrice les emmène chez elle, dans sa maison murée. Après six mois de ce funeste séjour, les pauvres créatures sont brusquement abandonnées à elles-mêmes, dans les rues de Londres.

Elles emportent, il est vrai, avec leur congé, une dot assez riche… mais pendant ces six mois quelles tristes leçons elles ont reçues !… elles ont appris à frapper à toutes les portes de l’avenir, excepté à celle de l’honneur, du devoir et de la vertu : elles sont à tout jamais perdues !

La belle Irlandaise dont nous avons ici le portrait, docteur, avait été enlevée à l’âge de cinq ans, comme je vous l’ai dit, en Irlande, à un pauvre paysan qui n’avait pas consenti à recevoir une forte somme en échange de son enfant. Elle avait été conduite à Londres et placée dans une institution où les filles de votre aristocratie reçoivent une éducation raffinée. Dans une soirée donnée à l’occasion de la fête de l’institutrice, les parents des jeunes élèves étaient invités.

Le frère de l’une de ces élèves remarqua notre Irlandaise qui s’était