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LE PRÉSENT.

mée des despotes (style du temps) contre un autre peuple qui voulait à son tour cçnquérir l’indépendance. À cette tâche monstrueuse, il dépensait plus de milliards qu’il n’en eût fallu pour affranchir le monde, et il grevait son pays d’une dette qui, à défaut de remords, pèsera sur l’Angleterre jusqu’au dernier jour de cette nation.

Pourquoi cette lutte désespérée ? ces immenses sacrifices d’hommes et d’argent ? Pourquoi l’univers en armes, les campagnes au pillage et les capitales en feu ? — Pour satisfaire à une Idée Fixe de prépondérance maritime. Les Hottes françaises anéanties, à la suite d’une guerre de vingt-deux ans, l’Angleterre rendit la paix au monde.

Quoi de plus innocent, au premier aspect, que ce catalogue de dénombrements imparfaits, que cet ensemble de conclusions téméraires tirées de statistiques incomplètes, et qui a pris nom : Science de l’économie politique ?

Se serait-on imaginé que ces Hots d’encre feraient répandre un jour des flots de sang ? Ce fatras économico-politique se contentait d’être aussi ennuyeux qu’inutile jusqu’au moment où il s’est changé en arme meurtrière au service de l’idée Fixe d’un économiste parvenu au pouvoir.

La « Balance du commerce » est un article de foi de l’économie politique : là où le commerce achète pour un franc de produits exotiques, il doit vendre pour un franc de produits nationaux. Or, les négociants de la Grande-Bretagne, donnant chaque année, pour s’approvisionner de thé, un certain nombre de livres sterling aux Chinois, en recevaient un nombre équivalent en échange de l’opium, ce poison dont la fumée abrutit d’abord et tue ensuite. Mais peu importait vraiment aux puritains anglais que leur commerce fût moral ou non, pourvu qu’il fût balancé par la meilleure des économies politiques possible ! Un empereur de Chine qui était un sage, un philanthrope, mais qui n’était pas un économiste, s’avisa de prohiber l’entrée en Chine de l’opium, dont l’usage, généralisé par les facilités du commerce, abrutissait par une intoxication lente tous les sujets du Céleste-Empire. Ce Chinois pensait que la raison et la vie de tout un peuple devaient peser aussi dans la balance ; mais il comptait sans les économistes anglais.