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LE PRÉSENT.

connaît, sous le ciel de Londres, que les personnes qui lui ont été présentées, Saluer une dame que l’on a déjà vue dans un salon, mais à laquelle on n’apas été présenté, serait signe d’un défaut de savoir-vivre. »

Mais si les démonstrations de la politesse anglaise sont plus rares, elles sont beaucoup plus significatives et plus sûres que les marques de la politesse française. En Grande-Bretagne, une « présentation » auprès d’une famille crée des droits réels au présenté et des devoirs toujours reconnus de la famille qui accepte la présentation. C’est la reconstitution même des liens de l’antique hospitalité. Les femtnes de la maison déploient aussitôt pour leur hôte les prévenances familières de véritables sœurs, — mais c’est à la condition tacite que l’hôte persistera, de parti pris, à ne voir en elles que des sœurs. C’est un nouveau genre de relations délicates et intimes, c’est un agrandissement de la famille que la discrétion anglaise a su créer.

Moi qui avais toujours regretté que ma mère ne m’eût pas donné une sœur à aimer, j’ai dû au séjour de Londres d’avoir enfin connu ce sentiment fraternel auprès de charmantes « sœurs volontaires, » à la famille desquelles j’avais été assez heureux pour être présenté.

L’aînée de mes sœurs aidait sa mère à elever celles-ci. Vraiment miss H… est une des femmes du monde en qui j’ai rencontré le plus d’élévation d’idées et de grandeur de cœur. Musicienne comme une italienne, artiste comme une Irlandaise, elle avait le tact et le bon goût d’une Parisienne raffinée. Elle possédait les langues et les littératures anglaises, françaises, italiennes et allemandes. Pour elle, l’histoire, la philosophie, la politique n’avaient plus de secrets ! mais elle prenait à cacher son érudition le même soin que certains hommes auraient mis à en faire parade. Lorsque l’activité de son esprit investigateur la faisait se trahir par une question de haute curiosité scientifique, elle s’excusait aussitôt avec la confusion qu’une autre femme aurait mise à pallier son ignorance.

Chose singulière et qui se passe au rebours en France : en Angleterre, ce sont les dames qui ont des idées générales et qui ont les opinions les plus larges et les plus avancées. Leurs hommes, même les hommes d’État le plus haut placés dans l’opinion publique, ont des