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LIVRES ET JOURNAUX.
L’INSECTE, par M. J. Michelet[1].

À tout seigneur tout honneur, dit la sagesse des nations. C’est un honneur pour nous que d’avoir à mettre en tête de ce modeste bulletin l’un des plus grands noms de notre temps. Écrivain merveilleux, savant et artiste, artiste avant tout, je voulais dire avant tout honnête homme, M. Michelet a parcouru la carrière en disciple du Bien et en maître du Beau. On assure qu’il a des détracteurs et des railleurs, des ennemis même, dont la critique ne veut plus entendre à l’épargner : je ne le crois point, car je compte en ce moment le nombre immense des amis qu’il avait autrefois, parmi cette jeunesse surtout dont il a été l’idole. M. Michelet a connu la même gloire qu’autrefois Voltaire, celle d’être maltraité par la foule des dévots qui ne l’avaient pas lu. Les temps ne sont pas loin où les mères l’anathématisaient de confiance, et, où tous les fils se pressaient à son cours, écoutant avec tant de ferveur sa verte parole ! Ce n’était pas un dieu oisif et ingrat qui trônait sur cet autel que lui avait élevé la jeunesse, car le dieu aimait ses fidèles autant qu’il en était aimé. Au fond, n’est-ce point encore à eux que s’adressent tous les beaux livres que M. Michelet a écrits à divers intervalles depuis vingt ans ? Mais ce n’est pas ici le lieu d’énumérer les ouvrages du grand historien, et entre mille choses qui vivront longtemps, je ne veux prendre que ce qui est impérissable. Ne vous souvenez-vous plus de la Révolte des mercenaires de Carthage dans l’Histoire Romaine, et de la description des provinces dans le tome second de l’Histoire de France ? Avez-vous oublié le sixième volume de la même histoire, le règne de la folie sous un fou qui fut le roi Charles VI ? Sombre légende bien faite pour porter la fièvre dans une âme de poëte ; époque mystique et tourmentée où le peuple de France, las des prêtres, las des légistes, toujours empressé à chercher un idéal, poursuivait déjà, mais en vain, l’idéal de la monarchie absolue qui pouvait seule le défendre ; grand siècle, puisqu’il fut le père

  1. Librairie Hachette, 14, rue Pierre-Sarrazin.