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CHRONIQUE.

lentes choses ; mais la pauvreté, quoi de plus lamentable, de plus dédaigné ut souvent de plus ridicule ? De nos jours, le vent est à la fortune ; celui-là fait preuve d’esprit, qui s’enrichit, preuve de cœur même, car il peut laisser tomber dans le verre vide du pauvre le vin pur de la charité. La pauvreté, d’ailleurs, est absurde et contre nature : le soleil est à moi, les merveilles du monde sont à moi. Qui en veut ? Qui les veut ? Moi ! dit l’un ; nous ! crient les autres. — Avez-vous de l’or ? — Non. — Gagnez-en ! le pain qui nourrit le corps, l’amour qui nourrit l’âme, le vin qui enivre, les tissus admirables, les chevaux, la lumière, le lit, le cercueil, la vie, la mort, tout s’achète, tout se vend.

Allez donc à la Bourse, jouez, gagnez. Il y a deux sortes de sots sur la terre, ceux qui font comme tout le monde, ceux qui ne font comme personne. Eh bien ! frappez aux portes de la fortune. « Les femmes aussi, dit encore l’auteur du Million, jouent à la bourse, quoiqu’il leur soit défendu d’y entrer, même en payant. Ce sont, pour la plupart, des teneuses de tables d’hôtes, de maisons de jeu, — dames qui, par état, seraient désolées qu’il n’y eût point de nuits ; — des usurières, des revendeuses à la toilette, des portières, des servantes, de petites rentières, des épileuses, des pédicures, des bas-bleus et quelques femmes mariées qui se cachent de leurs époux. Ces femmes-là mettaient autrefois à la loterie. Les moins opulentes se font une bourse en plein vent. Elles se réunissent sous les arbres de la place de la Bourse, en face le bureau de poste, sur les bancs, debout, l’œil en feu, la lèvre frémissante. » Ces dames ont compris l’esprit positif de leur époque, et le temps n’est plus où la femme s’enfermait chez elle et filait de la laine comme Lucrèce. Rien de mieux que l’antique simplicité, mais, de nos jours, on ne se contente plus des fruits de la terre, de laitage, d’une chaumière et d’un cœur, comme les bergers de Théocrite ou de Virgile, qui vivaient à peu de frais et n’avaient pas besoin de rentes.

Qui veinera de voies ferrées la France et le monde entier ? l’argent ! comment bâtir les usines ? avec l’argent ! Le Million, — qui lui-même coûte un franc, voyez ! — vous indique toutes les roueries, duperies et friponneries qui peuvent embuissonner vos pieds sur le chemin de la fortune.

Ce livre appartient à une petite collection récente, Paris-vivant, par des hommes nouveaux. Peste ! des hommes nouveaux ! Mais ils sont malins comme de vieux singes et roués comme le diable. La Plume et le Théâtre, voilà le titre des deux premières brochures qui ont paru. Je les ai lues avec curiosité, et je n’ai quitté le livre qu’après l’avoir tout achevé. Je suis friand de ces anecdotes, de ces entre-filets satiriques, de ces malices et de ces bons mots. Le public l’est du reste autant que moi, et je parie que l’on s’arrache ces méchants petits livres. Tandis qu’il y a dix acheteurs pour ces révélations d’un homme de lettres et d’un boursier, des livres sérieux, de beaux livres restent à l’étalage dans la poussière !

La vogue est au pamphlet, non pas à celui de M. Legouvé ! Comment imiginer