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THÉÂTRES.

Quand le Barbier de Séville n’aurait fait qu’inspirer le grand Rossini, nous devrions une gratitude éternelle à Caron de Beaumarchais. Honneur donc à cet homme qui, malgré les arabesques de son style et la faiblesse de ses moyens scéniques, a réussi des figures brillantes, à peu près neuves et désormais ineffaçables.

Certaines œuvres dramatiques pleines de disproportion, d’incohérence, recèlent néanmoins quelques vives impressions du mouvement humain ; aussi, à distance, un esprit supérieur enlève toutes les aspérités, et des personnages, seulement surpris par certains côtés saillants, s’agitent avec la désinvolture d’une vie complète. Cette observation, qui semble regarder M. Eugène Delacroix, peut s’appliquer en tous points à Caron de Beaumarchais.

Peut-on oublier, en effet, ce brillant comte Almaviva, qui, fatigué des belles précieuses de la cour, se déguise en étudiant aux fins de satisfaire ce désir ambitieux, éternel, d’être aimé sans fard, pour lui-même. Il espère rencontrer dans une petite bourgeoise de province cette simplicité, cette naïveté, cette candeur de l’âge d’or. Adieu, beau comte, bon voyage ! Rapportez à Madrid ce merle blanc ; mais n’allez pas, dans votre enthousiasme, vous en vanter à vos anciens amis. Si les amoureux n’étaient toujours grisés par cet encens qui s’élève d’un cœur de quinze ans, le comte remarquerait avec un certain effroi l’étrange vivacité de l’esprit de Rosine ; mais la colombe est sous les serres du vautour Bartholo, et la pitié étouffe les raisonnements capables de prédire qu’un enfant blond, un ange, un chérubin, montre le bout du nez à travers les amoureuses cascades de la Précaution inutile. Un juge froid, fin et désintéressé dans la question, Figaro,