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CRITIQUE.

caractère de sa vieillesse et celui de sa mort, arrivée en 1679, comme celle de Retz, désabusé aussi et depuis longtemps retiré du monde. Par un éclatant désaveu de ses prétentions d’autrefois, tout entière aux idées chrétiennes, elle avait quitté le luxe de son château de Dampierre et de son hôtel de Paris ; elle s’était volontairement renfermée dans une maison fort simple, à Gagny, près de Chelles, loin des splendeurs de la cour de Louis XIV, où elle était presque inconnue.

Que d’événements fameux, quelle féconde et mémorable époque sa carrière avait embrassés ! Madame de Chevreuse avait vu le jour lorsque Henri IV victorieux rendait le repos à la France, et ses yeux se fermaient au moment où le grand roi n’avait encore rien perdu de son prestige. Cependant les plus belles annéps de ce règne étaient déjà passées, ses principales gloires étaient éteintes. Turenne avait noblement succombé ; Condé était retiré à Chantilly. On venait de signer l’honorable, paix de Nimègue ; mais, à cette paix qui faisait de Louis l’arbitre de l’Europe, allaient bientôt succéder de nouveaux combats où la fortune fatiguée devait enfin manquer à ses armes.

Cette race de femmes politiques, telles que le règne de Louis XII et la régence d’Anne d’Autriche les avaient connues, qui recouvraient d’un vernis de noblesse leurs passions et leurs aventures, avait entièrement cessé d’exister ; on ne rivalisait plus que d’empressement à servir ou à flatter le prince. C’en était fait de ces intrigues qui s’étaient agitées en si grand nombre à l’époque des Importants et des Frondeurs. Car jamais plus vaste carrière ne leur fut ouverte chez nous. De là en partie, qu’il soit permis de le dire sans esprit de satire, le rôle prédominant qu’y jouèrent les femmes. Où trouverait-on dans notre histoire un cadre où ressortissent mieux des figures telles que celles de mesdames de Longueville et de Chevreuse ?

On regrettera que M. Cousin, parvenu au temps si dramatique de la Fronde, n’ait fait que l’effleurer. Mais il ne voulait pas sans doute revenir sur des points qu’il avait déjà traités avec étendue. M. Cousin, d’après le principe des maîtres, craint d’épuiser une matière ce qui doit expliquer la disproportion de son travail sur madame de Chevreuse, où il traverse en quelques pages plus de trente années de son existence. C’est, on est forcé d’en convenir, un peu trop se hâter vers le dénoûment. Les développements les plus riches sont pour la jeunesse de l’héroïne, dont M. Cousin n’a pu être l’historien sans devenir quelquefois panégyriste. Quelque passion rétrospective aura saisi M. Cousin, et, comme toutes les passions, elle l’aura rendu trop indulgent pour l’objet aimé. Aussi malheur à qui n’a pas eu ses sentiments pour la duchesse de Chevreuse, par exemple, au cardinal de Retz, « très-spirituel, selon lui, mais très-peu véridique, » dont il représente tous les portraits comme singulièrement chargés. Les lecteurs de madame de Longueville savent que M. Cousin n’a pas été moins sévère pour Larochefoucauld, à qui il reproche « de n’avoir qu’un but