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L’INDE FRANÇAISE.

amis ; il fallait renvoyer en Europe, pour qu’il y mourût dans la misère et dans l’oubli, celui qui, depuis treize ans, remplissait l’Inde de son nom glorieux et faisait respecter la France du cap Comorin à Delhi et de Çurate au Gange. Dupleix avait avancé huit millions de livres à la Compagnie. Dès sa nomination au gouvernement général, toutes les dépenses de la guerre n’avaient cessé de peser sur lui. Les fortifications de Pondichéry, les routes, les jardins, les aqueducs, les églises, les mosquées et les pagodes des indigènes musulmans et des Hindous, il avait tout construit et tout payé. La seule bibliothèque publique qui ait jamais existé dans nos comptoirs et dans les îles lui était due. Godeheu la fit vendre à la toise. L’officier mongol, chargé par les çubahs Muçafer-Cingh et Çalabet-Cingh de percevoir le revenu des territoires personnellement concédés à Dupleix fut arrêté et torturé, et l’on pilla ses caisses. Enfin, les comptes les plus authentiques furent rejetés comme chimériques et mensongers ; les droits les plus sacrés furent violés, et l’Europe civilisée et l’Inde encore barbare elle-même, purent assister à ce fait inouï jusqu’alors d’une Compagnie politique et commerciale, ayant pour actionnaires le roi de France et ses ministres, volant, au grand soleil, huit millions de livres à l’homme qui lui avait fait l’aumône, et s’efforçant, pour mieux accomplir cette escroquerie, de déshonorer le nom français en Orient.

Leconte de Lisle