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L’INDE FRANÇAISE.

refusèrent d’engager le combat, et revint à Pondichéry. Malade et irrité, il donna pour la première fois des marques d’indécision et de découragement. Le conseil supérieur le somma d’agir contre Madras ou contre la flotte ennemie. Après de nouveaux délais et d’inutiles explications réciproques, le siége de Madras fut décidé. Poudres, canons, troupes, vivres et matériaux, furent abondamment fournis à l’escadre ; une sorte d’entente cordiale se rétablit entre les deux chefs, et le corps d’expédition partit dans la nuit du 12 au 13 septembre, avec neuf vaisseaux et deux galiotes à bombes. Une fois à l’œuvre, La Bourdonnais redevint lui-même clairvoyant, prompt et énergique. Il débarqua, à la tête de six cents hommes, à quatre lieues au sud de Madras, et marcha le long de la côte, parallèlement accompagné de ses vaisseaux. À une portée de canon de la ville, un second débarquement fut effectué. Onze cents Européens, quatre cents cipayes et cinq cents noirs des îles commencèrent les travaux de siége, Il restait à bord de l’escadre dix-sept à dix-huit cents hommes. Durant quatre jours consécutifs, le canon et les mortiers battirent la ville. Une sortie de la garnison fut repoussée avec une telle vigueur que ce corps de troupes ne put rentrer dans Madras et se dispersa dans l’intérieur des terres. Le gouverneur anglais offrit de capituler.

Dès ce moment, la passion d’exercer un commandement exclusif devait entraîner La Bourdonnais bien au delà de ses pouvoirs réels. Ceux qu’il avait reçus du ministère et de la Compagnie, lors de la première expédition de 1741, l’autorisaient, en effet, à commander les forces de mer et de terre dans ses gouvernements des îles et même dans l’Inde : mais avec cette restriction formelle qu’il était subordonné, dans ce dernier cas, aux décisions préalables des conseils supérieurs. Enfin, ses nouveaux pouvoirs de 1745, spécialement relatifs à l’expédition actuelle, étaient limités au commandement unique de l’escadre et des navires marchands. Cependant, une instruction secrète du contrôleur général Orry, ordre précis et toujours subsistant, lui interdisait de conserver les comptoirs ennemis dont il pourrait s’emparer. Mais, en admettant même que cet ordre, absurde aussi, ne fût pas annulé par le fait des instructions postérieures, toujours est-il que Dupleix était au moins autorisé à n’en tenir aucun compte, puisque la ligne de conduite qu’il suivit à cet égard fut pleinement approuvée.

La Bourdonnais, résolu d’agir sans contrôle, ou convaincu qu’il pou-