Page:Le Présent - Tome deuxième, 1857.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.
322
LE PRÉSENT.

roi ; aux craintes qu’il manifesta avec une hautaine franchise de se voir de nouveau sacrifié à la haine des chefs de sa compagnie, on répondit par les pouvoirs les plus étendus et les engagements les plus formels. Nommé au commandement d’une escadre de six vaisseaux, avec le grade de capitaine de frégate, il était, en outre, continué dans ses gouvernements des îles.

Il partit en avril 1741, avec douze cents matelots et cinq cents soldats ; mais les matelots étaient, aux trois quarts, étrangers à la mer, et les soldats n’avaient jamais touché ni un fusil ni un canon. La Bourdonnais avait, par excellence, les deux défauts caractéristiques de la race bretonne, l’opiniâtreté et l’emportement ; mais il les transformait volontiers en de merveilleux agents d’exécution, grâce à ses qualités tout individuelles d’intelligence et de décision. Son parti fut immédiatement pris. Il mit le cap sur le Brésil et mouilla devant un îlot de la côte. Là, il exerça, pendant vingt-deux jours, ses équipages et ses canonniers, aussi peu accessible à leurs murmures qu’aux plaintes de ses officiers. Cinquante-six jours après il était à l’Île-de-France. Il y reçut des nouvelles alarmantes de l’Inde. Dumas était alors assiégé par les Mahrattes et l’appelait à l’aide. Après avoir pourvu à la sûreté des îles, par de nouvelles fortifications, des réserves considérables de vivres et l’organisation de milices coloniales, il quitta Bourbon et mouilla devant Pondichéry au mois de septembre.

Le siége était heureusement levé, au grand honneur de Dumas, ainsi que nous l’avons vu ; mais le comptoir de Mahé était bloqué depuis dix-huit mois par les hommes du Malabar et devait succomber sans de prompts secours. La Bourdonnais s’y rendit et délivra la ville. Rien ne le retenant plus dans l’Inde, il regagna ses îles. Il était nécessaire qu’il s’y trouvât, prêt à agir, dès qu’il recevrait la nouvelle probable de la déclaration de guerre. Ce fut alors que les ordres les plus précis de la Compagnie lui parvinrent. Il lui était enjoint de désarmer son escadre et de renvoyer en Europe ses vaisseaux sur lest, plutôt que d’en garder un seul. À peine ces ordres incroyables étaient-ils exécutés que de nouvelles instructions contradictoires lui furent remises ; mais il n’était plus temps. Mis ainsi dans l’impossibilité d’agir, La Bourdonnais, désespéré, donna sa démission. Elle ne fut pas acceptée. « C’est parce que nous n’avons dans l’Inde ni escadre ni soldats, lui écrivait le contrôleur général Orry, que je souhaite ardem-