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L’INDE FRANÇAISE.

Ces îles, découvertes par Mascarenhas en 1598, avaient été promptement oubliées des Portugais. Bourbon fut la première, habitée par les Français échappés au massacre de Fort-Dauphin. L’Île-de-France, à peu près déserte encore en 1720, avait plusieurs fois été, durant les dix années qui suivirent, sur le point d’être abandonnée de la Compagnie. C’était cependant un point inappréciable de relâche dans les voyages de l’Inde et de la Chine. Quant à Bourbon, bien que plus étendue, plus saine, plus propre aux plantations de caféiers, elle n’était pas moins négligée ; de sorte que les navires qui s’y arrêtaient dans le trajet d’Europe à nos comptoirs orientaux, loin d’y rencontrer les secours nécessaires, se trouvaient contraints d’en nourrir les habitants. J’ai dit que La Bourdonnais avait créé ces deux colonies ; le terme est exact. Il y fonda des fabriques de coton et d’indigo, il y introduisit le premier la culture des cannes à sucre et du manioc, et mit ainsi la population à l’abri des disettes permanentes qui la décimaient. Mais il fallut agir d’autorité pour déterminer les habitants à ne plus vivre exclusivement de gibier et de racines sauvages. Ils arrosaient d’eau bouillante les nouvelles plantations et se plaignaient amèrement de l’homme qui les obligeait au travail et au bien-être. Les deux îles ne possédaient, en outre, ni magasins, ni hôpitaux, ni ouvriers, ni troupes, ni marine. La Bourdonnais fut architecte et ingénieur, il bâtit magasins, hôpitaux, ateliers, quais, moulins et aqueducs, traça des voies de communications, fit couper les bois, dompter les taureaux de trait, établit des pontons pour charger et décharger, abattre en carène et radouber les navires, et mit en charnier lui-même un bâtiment de cinq cents tonneaux. La croix de Saint-Louis, qu’il reçut en 1737, récompensa ses efforts ; mais il avait acquis dans l’intervalle l’exécration de ses administrés. Tant de travaux ne pouvaient être entrepris, en effet, là où tout manquait, sans que les intérêts particuliers fussent parfois sacrifiés à l’intérêt général. Un concert unanime de récriminations le précéda en France. Le cardinal de Fleury, le contrôleur Orry et les directeurs de la Compagnie le reçurent d’abord comme un coupable qui se livrait. Il se disculpa aisément, mais avec une énergie trop rude qui blessa ses juges, tout en réduisant ses ennemis au silence.

L’appréhension de nouvelles hostilités entre la France et l’Angleterre rendait indispensables des services tels que les siens. À ses refus réitérés de poursuivre l’œuvre commencée, on opposa l’ordre exprès du