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LE PRÉSENT.

Dupleix remplaça Dumas. La Compagnie, jugeant de la nature de ses aptitudes par le développement prodigieux qu’il avait donné au comptoir de Chandernagor, crut qu’en l’appelant au gouvernement général des établissements français, il s’appliquerait uniquement aux spéculations maritimes. L’immense fortune qu’il s’était acquise fut aussi une des raisons déterminantes de sa nomination. Le contrôleur général, Orry, ne le lui laissa pas ignorer, en insistant sur la nécessité d’une représentation brillante, en rapport avec le titre de chef national dans l’Inde, représentation à laquelle la modicité des appointements réguliers ne pouvait suffire. Dupleix avait dès longtemps pressenti ces mesquines considérations du gouvernement et de la Compagnie, et ce fut à la justesse de ses prévisions à cet égard que nos établissements du Karnatik, du Malabar, d’Oryçah et du Bengale durent d’être administrés par le seul homme d’État dont la France pût se glorifier depuis Richelieu.

Dans ce temps, un homme également doué de rares qualités, bien que son action se manifestât sur un théâtre infiniment moins vaste, au milieu d’intérêts d’un ordre très-intérieur, le Malouin Mahé de La Bourdonnais, créait nos deux colonies de l’Île-de-France et de Bourbon. La part importante qu’il devait bientôt prendre aux affaires de Pondichéry exige dès à présent notre attention, avant de parler du gouvernement général de Dupleix.

Né à Saint-Malo, en 1699, Mahé de la Bourdonnais avait fait son premier voyage à dix ans, dans les mers du Sud. À quatorze ans, il avait parcouru l’océan Indien jusqu’aux Philippines. Après deux autres campagnes dans le Nord et au Levant, il s’était embarqué en 1719, comme second lieutenant, au service de la Compagnie. Premier lieutenant en 1723 ; capitaine en second en 1724, il contribua à la prise de Mahé, sur la côte de Malabar. La paix, conclue à cette époque, lui permit d’entreprendre les armements particuliers dont l’initiative de Dupleix avait montré les avantages. Excellent matin, conduisant lui-même ses expéditions, mettant au service de ses intérêts l’intelligence expérimentée des affaires, il fit rapidement une grande fortune. Quelques bons offices rendus à la marine portugaise lui valurent du vice-roi de Goa le grade de capitaine de vaisseau et l’ordre du Christ. En 1733. il revint en France. L’année suivante, on lui confia le gouvernement des deux îles de France et de Bourbon.