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L’INDE FRANÇAISE.

La cavalerie mahratte ne tarda pas à envahir la nababie. Les chefs réclamèrent impérieusement qu’on leur livrât les fugitifs avec un tribut annuel de douze cents livres, sous peine de voir la ville mise à sac et rasée. Le commandant français fit une réponse noble et courageuse. Il y était dit que la nation mongole ayant toujours traité les Français avec bienveillance, il ne leur était pas permis de la trahir ; que l’asile accordé à des suppliants était d’ailleurs sacré en soi ; qu’enfin les habitants de Pondichéry avaient tous pris la résolution de périr plutôt que de livrer leurs hôtes. On négocia, et les Mahrattes se retirèrent. Mais cette intervention généreuse de la colonie répandit dans toute la presqu’île le respect de la nation française. Les radjahs vaincus par Auçt-Ali-Khan reconnurent eux-mêmes qu’il était noble de n’avoir pas sacrifié la famille de leur ennemi. Le fils de ce dernier vint remercier Dumas. Il fit don à la Compagnie d’un vaste territoire dont la cession fut confirmée par un firman du Grand Mongol qui, en témoignage particulier de son estime, attacha le titre perpétuel de nabab de l’empire à la personne des gouverneurs français.

C’était la première dignité politique accordée à un chef de nation étrangère dans l’Inde. La colonie, privilégiée entre tous les établissements européens, acquérait par là sur l’esprit des races indigènes une influence d’autant plus précieuse qu’elle était fondée sur la confiance et la gratitude. Aucun des avantages commerciaux concédés à la Compagnie anglaise, dès 1716, par Çah-Djihan, n’avait une importance équivalente. Cette nation, du reste, déjà odieuse, grâce au souvenir des brigandages des frères Child, à Bombay, sous Aurang-Ceyb, ne prétendait pas étendre sa domination, en donnant des exemple de générosité et de désintéressement. Ses prêteurs frustrés de leurs créances, les navires mongols saisis et vendus en pleine paix, et la leçon sévère infligée par Aurang-Ceyb, avaient miné, une fois déjà, son crédit et plus encore son honneur ; mais elle devait finir par trouver de plus sûrs auxiliaires dans les contrôleurs généraux de Louis XV et dans les directeurs de la Compagnie française. Ces derniers ne jugèrent pas favorablement de la ligne de conduite adoptée par Dumas. Entièrement étrangers à l’histoire de l’Hindoustan, tout ce qui ne se rattachait pas d’une façon étroite aux opérations commerciales leur était antipathique. L’intervention habile de Pondichéry dans les affaires intérieures du pays fut la vraie cause du rappel de son chef.