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LE PRÉSENT.

Mohhammed-Çab ne parut ni indigné de l’insulte, ni inquiet de la menace. Il y avait loin de Kandahar aux murailles de la ville impériale. Il se contenta de rappeler le Nizam-Ul-Muluk de sa çubahbie et lui ordonna de répondre à Nadir-Çah. C’était aller au-devant de sa destinée.

Kanduran, mir-bakci des armées mongoles, de tous les ennemis déclarés du çubah, était le plus irréconciliable. Çadet-Khan, chef de Laknaor, instruit de leur haine mutuelle, ambitionnait ardemment cette dignité militaire. Elle lui fut promise par le Nizam, en retour d’une aveugle obéissance à ses instructions. Çadet-Khan écrivit alors à Nadir-Çah de presser sa marche sur Delhi, et lui fit remettre deux cent mille roupies d’or, ce qui était à la fois, selon la coutume mongole, un acte de soumission et une marque d’alliance. De son côté, dès qu’il eut rejoint Mohhammed-Çah, Nizam le conjura de marcher en personne à la rencontre des Perses. Kanduran combattit cet avis. Il prouva qu’on n’avait rien à redouter d’une invasion ; qu’il s’agissait uniquement de fortifier le défilé de Kabul, seul passage praticable, extrêmement étroit et long de quatre journées de marche. Il ajouta que toutes ses mesures étaient prises et que seize laks de roupies, destinés à lever des troupes, allaient être remis au chef de Kabul. Le conseil des Umrahs approuva le mir-bakci, mais les aveux imprudents de ce dernier ne furent point oubliés de çubah. Le chef de Lahor, Cekria-Kahn, parent du Nizam, arrêta le convoi au passage, et retint les seize laks. Cependant Nadir-Çah approchait. Le chef de Kabul, apprenant à la fois l’enlèvement du convoi et l’arrivée de l’ennemi, partit à tout hasard avec cinq mille cavaliers pour défendre l’entrée du défilé. Un radjah des montagnes fit passer, en cinquante heures, douze mille fantassins perses, par un chemin inconnu des Mongols. La voie était inaccessible aux chevaux, mais cette diversion inattendue dégagea les gorges de Kaye-Bar, et la cavalerie vint rejoindre l’armée.

Mohhammed, contraint de reconnaître l’inutilité des précautions de Kanduran, prit enfin la route de Lahor avec une masse indisciplinée de huit cent mille hommes et trois mille pièces d’artillerie. Il attendait, en outre, une réserve de vingt mille cavaliers et de trente mille fantassins commandés par Çadet-Khan. Les Perses étaient vingt-cinq mille hommes de vieilles troupes aguerries par leurs victoires sur les Patanes-Affghans. La disproportion cependant eût été trop grande sans la trahison promise. Çadet-Khan, de concert avec le Nizam et Nadir, attira