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L’INDE FRANÇAISE.

libérateur de la Perse, revêtu du titre exceptionnel de Thamasp-Kuli-Khan, il voulut monter du second rang au premier : mais il avait, au besoin, la patience des grandes ambitions, et ne désirait amoindrir ni sa popularité ni son prestige par une révolte soudaine et inopportune. Il crut mieux agir en obtenant de Çah-Thamasp la régence pour trois ans, sous prétexte de réorganiser l’empire. Actif, ferme, vigilant, ne confiant les emplois importants et les dignités qu’à des hommes doués des mêmes qualités et dont les intérêts étaient liés aux siens, il ne négligeait, dans l’intervalle, aucun des moyens propres à déconsidérer Çah-Thamasp dans l’esprit des peuples. Les inclinations naturelles du fils d’Hucéin-Çah l’y aidaient d’ailleurs singulièrement. Les fêtes et les banquets furent prodigués, et ce devint bientôt une coutume d’emporter de table l’empereur ivre mort. Le mépris public s’ensuivit ; l’agitation populaire fut habilement fomentée, et le Çah se vit exposé un jour aux yeux de tous, en cet état de dégradation. Comme régent de la Perse, Kuli-Khan, avec l’assentiment général, déposa et fit enfermer Thamasp. Lui-même fut solennellement couronné, au mépris des droits de l’héritier légitime à peine âgé d’un an.

Le berger du Khoraçan avait enfin réalisé ses plus hautes espérances ; mais sa soif de domination n’en était que plus irritée. Il médita la conquête de l’empire mongol. Les temps étaient propices. Delhi, en proie aux factions des Umrahs, qui se disputaient l’autorité méprisée de Mohhammed-Çah, et s’étaient tous ligués contre l’influence du Nizam-Ul-Muluk, offrait l’image fidèle de la perturbation générale. Le vieux çubah de Dekkan, inquiet et harcelé, instruit d’ailleurs des projets du Çah de Perse, n’hésita plus à provoquer sa venue. Il se flattait, grâce à l’ambiguïté calculée de ses manœuvres, de dominer Mohhammed par la terreur de Nadir, et de se ménager l’appui de ce dernier par l’appât de conquêtes successives, comptant, du reste, sur son habileté à tirer parti des circonstances fortuites. Dans l’intervalle, Nadir assiégea brusquement Kandahar, ville forte située sur les frontières des États mongols, et réclama en même temps de Mohhammed la cession des provinces de Kabul, de Multan et de Tatta, avec une somme de quatre kururs de roupies, cent millions de francs, comme indemnité des frais causés par le siége de Kandahar. Au cas probable d’un refus, l’ambassadeur était chargé d’annoncer que son maître viendrait s’indemniser à Delhi.