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L’INDE FRANÇAISE.

entreprit de transformer ce comptoir, délaissé depuis tant d’années, en un centre d’activité maritime et industrielle. Ses navires remontèrent le fleuve ; il associa tous les colons de bonne volonté à ses spéculations personnelles, et sut attirer, en peu de temps, auprès de lui, d’habiles manufacturiers indigènes, à l’aide desquels il se ménagea de fructueuses relations dans toute la partie septentrionale de l’empire ; tandis que, par le négoce particulier de la mer Rouge à Manille, il faisait progressivement de Chandernagor le premier marché du Bengale, et augmentait sa fortune de plusieurs millions, tout en servant les intérêts généraux de la Compagnie. Après cinq ans d’une telle administration, la ville nouvelle, entourée de manufactures en pleine activité, comptait deux mille maisons dans son enceinte et de soixante à quatre-vingts navires d’un fort tonnage régulièrement expédiés de son port.

Désormais tranquille sur l’avenir commercial de la colonie qui lui était confiée, possédant déjà au delà de ses souhaits les moyens d’action nécessaires à la réalisation de ses desseins ultérieurs, disposant, par surcroît, d’un crédit sans bornes, Dupleix jugea que le temps était venu de se rendre un compte exact de l’état politique de l’empire mongol, état complexe, empire travaillé et miné par des ambitions effrénées et par des intérêts de tout ordre et de toute sorte. Pour mieux apprécier l’ensemble des faits et la situation des diverses çubahbies et nababies à l’époque où le créateur de l’Inde française, quittant le commandement provincial de Chandernagor pour prendre en mains la direction suprême des affaires à Pondichéry, devait jeter les bases de son œuvre politique, il est indispensable de remonter à la mort d’Aurang-Ceyb, et de déterminer, en dernier lieu, les résultats qu’eut pour la domination mongole l’invasion de Kuli-Khan, amenée par le Nizam-Ul-Muluk, le célèbre çubah du Dekkan. Nous retrouverons Dupleix sur la côte du Karnatik.

Aurang-Ceyb était mort en 1706, dans sa ville d’Aurang-Abad, qu’il venait de fonder. Il avait été le plus puissant et le plus respecté des Grands Mongols. Il laissa à ses deux fils, Bahadur-Çah et Azam-Çah, l’Hindoustan conquis ou tributaire. Ses héritiers combattirent pour la souveraineté unique de l’empire. Bahadur régna bientôt seul sous le nom de Çah-Alam Ier. Il mourut dans Lahor en 1711. Muizkudinn fut assassiné au bout d’une année et Farukciar lui succéda. Sous cet empereur commence le rôle politique du Nizam-Ul-Muluk. Gouverneur de