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LE PRÉSENT.

quelle le jeune conseiller acquit une connaissance approfondie de toutes les affaires entreprises jusqu’à cette époque, la justesse hardie de ses observations, cet instinct infaillible qui suppléait en lui les lenteurs de l’expérience, déterminèrent Le Noir à le charger exclusivement de l’immense correspondance de Pondichéry, non seulement avec les directeurs de la Compagnie, mais encore avec les divers comptoirs français et étrangers du continent et des îles. C’est ainsi qu’il se rendit bientôt familier le mouvement commercial de l’Orient. Dès lors la conquête de l’Inde devint le but secret de sa vie ; conquête armée au besoin, sans doute, mais surtout pacifique, fondée en principe sur la solidarité des intérêts commerciaux entre les races indigènes et la France, sur les cessions de territoires ou leur annexion volontaire, et, par suite, sur l’assimilation des mœurs. Dessein vaste et brillant, digne de l’ambition d’un noble esprit, et dont il devait entrevoir l’accomplissement, après treize années d’efforts continus, sans cesse neutralisés par le ministère français et par ses propres directeurs. Mais ce dessein, chimérique pour tout autre, une fois conçu et arrêté, il s’agissait d’en préparer la réalisation future. Dupleix se convainquit qu’une fortune personnelle, indépendante de la Compagnie, immense d’ailleurs, était la première condition du succès. Il résolut donc de consacrer toute sa volonté et toute son intelligence commerciale à l’acquérir à l’aide du négoce particulier que nul n’avait encore entrepris, bien qu’il fût autorisé par un règlement spécial. Ce négoce, nommé d’Inde ou Inde, pouvait embrasser l’ensemble des comptoirs européens et des ports indigènes, de Moka à Makos, et de Ceylan aux Philippines. Soutenu dans ses opérations de fonds déjà considérables fournis par son père, Dupleix se mit à l’œuvre, et ses différentes entreprises furent suivies d’une constante réussite durant les dix années de son premier séjour à Pondichéry. En 1731, la Compagnie lui confia la direction du comptoir de Chandernagor. Il s’y rendit à la fin de la même année.

La cession de Chandernagor avait été faite à la France par Aurang-Ceyb, dès 1668 ; mais cette colonie n’en était pas moins tout entière à créer. Bien que située sur le Gange, dans le Bengale, la plus riche des çubahbies de l’empire, avec un port excellent, elle languissait au profit de Calcutta. Dupleix y trouva quelques cases d’Hindous et trois embarcations coulant bas d’eau.

Avec sa promptitude de décision et sa persévérance accoutumées, il