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LE PRÉSENT.

a de ton père et tu les a suivis scrupuleusement, comme il le convenait de le faire… Mais maintenant que ton père est allé au ciel, quel droit a-t-il encore sur toi ? Serait-ce parce que, entre tant de corps mortels, tu en as revêtu un et que tu es né son fils ? — Quel homme est ici-bas lié à un autre homme ?… qu’y a-t-il de commun entre celui-ci et celui-là ? L’homme naît seul, et seul il meurt. C’est pourquoi le père et la mère ne doivent être considérés que comme de simples hôtes, et bien insensé celui qui place en eux son affection I De même que le voyageur, passant par un lieu habité, se retire dans quelque maison, puis au lever du jour abandonne sa demeure d’une nuit pour poursuivre sa route, de même, ô Daçarathide ! le père, la mère, la famille ne sont dans la vie de l’homme que de simples stations. Mets donc fin aux pensées d’affection. Tu ne dois pas, ô héros ! abandonner une voie unie, sûre et sans poussière, pour te jeter dans un chemin âpre, hérissé de difficultés. Viens te faire consacrer roi dans l’opulente cité d’Ayodhia, qui t’attend comme une veuve, les cheveux noués en une seule tresse ; et, savourant les précieuses délices de la royauté, règne et jouis dans Ayodhia, comme Indra dans le ciel. Pour toi Daçaratha n’est plus rien ; tu n’es plus rien pour lui. Autre était le feu roi, autre tu es. — Tous les animaux naissent de la même manière… un peu de sang et d’air combinés dans une heure favorable à la conception de la mère, voilà tout le mystère, toute la filiation de la race humaine. Le feu roi s’en est allé où de toute nécessité il devait se rendre. C’est le destin de toute créature, et t’en affecter est chose vaine. — Si je viens à interroger ceux (et ceux-là seulement) qui n’ont rien ignoré de la science du devoir, ils me répondront qu’après avoir vécu dans le malheur, ils ont été précipités par la mort dans le néant. Il y a un jour consacré aux offrandes funèbres pour les anentres, et aux oblations pour les Dêvas ; tous les hommes s’astreignent religieusement à ces rites ; que d’aliments gaspillés ! qu’en revient-il aux morts ? Si, sur cette terre, celui qui est mangé par l’un passe dans le corps d’un autre, qu’importent les offrandes funèbres ? Certainement le défunt n’emporte pas le riz bouilli sur son chemin. Toute cette série de prescriptions : sacrifices, largesses, accomplissement de rites et d’austérités, a été inventée par des hommes habiles dans le but d’attirer à eux les richesses d’autrui. Il n’y a rien au delà de cette vie. Pénètre-toi sagement de cette vérité et sans t’inquiéter