lignes du marquis. Il appela François par un cri et lui jeta seulement l’enveloppe de la lettre.
— Qui a écrit cela ? dit-il.
Le valet tira froidement de sa poche un billet qu’Anna avait écrit à sa femme de chambre, tandis qu’elle était à Bayeux, et il feignit de comparer les deux écritures.
— Monsieur le sait bien, dit-il.
Arsène acheva de s’habiller avec un calme superbe ; il serra, dans un portefeuille qu’il avait toujours sur lui, les deux lettres et les billets, et il prit, à petits pas, la route du château de Bougy. François, déjà, était à Kœblin. Anna dès lors respira ; elle pouvait suivre pas à pas la marche d’Arsène ; elle savait, minùte par minute, ce qu’il allait faire. Le bel Onfray approchait de Bougy : lorsqu’il arriva dans la grande cour, toute la valetaille, qui le reconnut pour I’homme piqué, s’empressa de lui faire hommage. Il demanda le marquis. Un des tigres lui répondit, avec force courbettes, que son maître était malade ; et le majordome tira l’oreille au tigre, pour avoir répondu avant lui ; mais il confirma le dire du petit monstre.
— Je reviendrai donc, fit Arsène.
Et il tourna vers Kœblin. Mais cette simple demi-conversation avait suffi à lui enlever tout son courage. En arrivant au bas du perron druidique il avait froid, et ce fut d’une voix presque éteinte qu’il demanda madame du Songeux. La porte du salon s’ouvrit devant lui ; Anna s’y trouvait en compagnie de M. de Brennes.
Qu’avait-elle voulu par cette rencontre ? Les deux hommes demeurèrent comme épouvantés de se revoir dans ces lieux, d’où la présence de l’un devait chasser l’autre, et le gentilhomme lança sur madame du Songeux un regard qui lui rappela celui du procureur du roi, pendant sa visite de la veille. — Arsène frémit d’une noble colère : M. de Rougé lui avait échappé, il retrouvait M. de Brennes, et cet ennemi-là valait mieux que le premier. — Anna était immobile : elle n’avait point cru que la vue d’Arsène pourrait l’émouvoir à ce point, malgré l’expérience qu’elle avait déjà faite dans le bois. Elle éclata pourtant, mais c’était bien tard.
— Savez-vous, monsieur, s’écria-t-elle, que j’ai quelque envie d’appeler mes valets ?
Il ne répondit pas ; il jeta le portefeuille à scs pieds, et fit, malgré
