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LE PRÉSENT.

leur éducation lui rendait inferieurs, faisait aussi trop bon marché de leurs jugements. Mais elle dut alors demeurer près d’une heure sous le regard sévère de ce jeune homme, par qui elle se sentait écrasée à son tour. Il ne lui parla point de ce qui l’avait amené à Laverdie ; seulement, à l’instant de la quitter, il la considéra plus fixement encore qu’il ne l’avait fait.

— Je vous félicite, madame, d’être la sœur de M. de Kœblin, lui dit-il froidement, car votre frère vous épargne aujourd’hui le poids à venir d’une mauvaise action.

Et il la salua. La jeune femme s’avoua, pour la seconde fois, que la vengeance même était bien amère. — Il n’était plus temps de revenir sur ses projets. Son billet à M. de Brennes venait de partir, et François emportait la seconde lettre et les billets de banque qu’il s’était engagé à présenter à son maître comme étant tombés du ciel.

« De Brennes viendra, se disait Anna ; il est trop gentilhomme pour différer de venir. Je lui écris que j’ai besoin de lui à l’instant même Et Arsène ! oh ! il viendra aussi. »

XVIII

On avait dressé à la hâte une sorte de lit de repos dans le petit salon de Julie ? Elle y était étendue, brûlante de fièvre ; sa mère tenait une de ses mains, elle avait abandonné l’autre à Georges.

— Il est parti ! murmura-t-elle. Vous me jurez qu’il est parti ?

C’était du procureur du roi qu’il s’agissait.

— Je vous le jure.

Il se fit un long silence. L’artiste se dirigea plusieurs ibis vers la fenêtre.

— Vous attendez M. Onfray ? s’écria tout à coup Julie. Oh ! il ne viendra point ; il s’est enfermé !

Elle répétait à son insu le mot d’Anna. — Georges revint vers la jeune femme.

— Dieu ! s’écria-t-il, vous ne l’aimez donc plus ?

Elle se mit à rire aux éclats. Elle préparait une réponse héroïque et insensée, mais la main de sa mère se posa vivement sur ses lèvres.