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LE SPHYNX.

être parce que vous ne l’osiez pas… Réfléchissez donc maintenant… Pouvez-vous être ma femme ?

Julie chancela, mais elle ne répondit point et ne suspendit pas sa marche : il s’obstinait à la suivre. À la porte de la Maison-Grise, elle trouva pour le congédier un geste si absolu, qu’il n’essaya point de franchir le seuil avec elle. Il courut aux environs du petit Château et repassa trois fois devant la grille de la cour d’honneur : le garde du domaine l’invita fort poliment à entrer. Le bel irrésolu s’était dit, en effet : J’entrerai, mais il revint sur ses pas. Madame du Songeux, en ce moment, n’avait pourtant pas à côté d’elle sa terrible conseillère, la mairesse ! Elle était seule avec le marquis. Ce soir-là même il y eut une rumeur nouvelle au château, dans le commun et dans l’office, un des domestiques ayant entendu sa maîtresse qui disait à M. de Rougé : Cela engage-t-il à rien de publier des bans ?

Arsène était retourné déjà vers la Maison-Grise. Il erra plus de la moitié de la nuit dans cette partie de la plaine qui bordait le petit chemin des Pommiers.

— Je monte la faction de Georges, se disait-il avec fureur.

Lorsque enfin un peu apaisé, accablé aussi de fatigue, il se décidait à regagner l’hôtel, au détour de la route, un homme le heurta dans l’obscurité ; c’était l’artiste.

Tous deux ils demeurèrent quelques instants face à face, et se voyant à peine.

— Cette cruelle histoire n’est donc pas finie ? dit Georges.

— Le dénoûment approche, répliqua le bel Onfray tout chargé d’ironie, et ma retraite va t’ouvrir la maison.

— Arsène, s’écria Georges, encore une fois, prenez garde !

— Adieu ! fit le dandy.

XVI

Georges, cette nuit-là, ne songea plus à entrer dans le petit chemin. Comme le jour approchait, Arsène alla réveiller, lui-même, son domestique, afin que celui-ci pùtse rendre, d’aussi grand matin que possible, au petit Château.